mardi 28 janvier 2014

L'art difficile de bien choisir son partenaire de vie quand on est écrivain

Cette semaine, je vous parle des difficultés conjugales de l'écrivain.

Tout d'abord, laissez-moi vous présenter cette caricature qui illustre assez bien les caractéristiques « universelles » de l'écrivain. C'est en anglais, je m'en excuse. Je n'ai pas trouvé de version française. Si vous en avez une, prière de me la faire parvenir par message privé.



Derrière chaque grand écrivain se trouve une conjointe négligée ou un conjoint négligé.

Comment faire autrement? On voit des choses qui ne sont pas là. On parle d'événements qui datent (quand ce n'est pas de quelque chose qui n'est jamais arrivé!). On parle de gens qui n'existent pas. Les rêves qu'on fait la nuit sont des matériaux de travail. Difficile de trouver plus excentrique et plus difficile à comprendre pour un esprit rationnel.

Il faudrait, au minimum, que nos conjoint(e)s réalisent que les idées sont comme les nuages. Imaginez! Par un bel après-midi d'été, vous vous allongez dans l'herbe avec votre douce moitié et vous regardez, à deux, les formes que créent les nuages dans le ciel. Un dragon, un crapaud, un château. Dès que vous vous levez pour continuer votre promenade, les images, pourtant si claires quelques minutes plus tôt, s'évanouissent d'un coup. Vous les oubliez. Totalement! On dirait même qu'elles n'ont jamais existé. Ben, les idées, c'est pareil!

Quand elle monte, l'idée est diffuse. On ne sait trop par quel bord la saisir, l'examiner. On ne sait pas non plus quelle conclusion en tirer. Mais on sent que c'est important. Il faut donc la laisser prendre toute la place, prendre en notes aussi les liens, c'est-à-dire les idées auxquelles elle nous conduit. On peut griffonner, se mettre à écrire des mots ou de longs paragraphes. Peu importe! Ce qu'il faut, c'est ne pas laisser l'idée s'évaporer comme les dessins des nuages.

Si votre conjoint(e) arrive à comprendre le concept et accepte qu'attablés tous les deux dans un café, il est possible qu'il (elle) doive passer le temps en lisant le journal parce qu'une idée a jailli en apercevant le crâne chauve de votre voisin de table, vous tenez la perle rare.

Si votre conjoint(e) exige de vous 100 % d'attention pendant ces sorties dans les cafés, restaurants ou autres lieux habituellement fréquentés par les amoureux, votre ménage est en péril. Ou bien votre écriture est en danger. Chose certaine, vous ne pouvez pas avoir l'esprit ici et ailleurs en même temps, à moins d'être doté de deux têtes. Vous pouvez avoir l'air présent, si vous êtes bon acteur. Mais je ne vois pas comment on peut conter fleurette à sa douce moitié et rédiger, en même temps, une scène torride avec un personnage inspiré du serveur. Au mieux, vous serez médiocre dans les deux rôles. Au pire... n'en parlons même pas.

Alors, la prochaine fois que vous allez souper en amoureux, si l'inspiration vous vient et qu'on vous reproche votre absence, parlez des nuages.


mercredi 22 janvier 2014

Maudite vie plate! Le XXIe siècle selon Anne Rice


Tout d'abord, chers fans de ce blogue, laissez-nous vous souhaiter une très belle année 2014. Si Blogger ne nous permet pas de savoir qui vous êtes, les statistiques nous prouvent en tout cas que vous êtes nombreux. Il y a eu 20 469 visites sur ce blogue en un an. De quoi ouvrir des bulles!

Venons-en maintenant au billet de cette semaine.

Au début de l'hiver, j'ai lu Le don du loup (The Wolf Gift) d'Anne Rice. Je vous en parle maintenant parce que je trouve qu'une réflexion de ce genre est bien à propos en ce début d'année.




















Parlons d'abord du roman. C'est l'histoire d'un gars qui, après avoir été mordu par un loup-garou, devient lui-même un loup-garou. On remarque ici la parenté avec les vampires. C'est pas innocent. On parle de l'auteure de Vampire Chronicles, quand même.

Reuben, c'est comme ça qu'il s'appelle, ne comprend pas les transformations qui se produisent dans son corps et dans sa tête. Il fait donc de la recherche. Même si la maison dont il vient d'hériter regorge de livres, Reuben, en digne jeune homme du XXIe siècle, utilise Google (pourquoi pas Wikipédia, tant qu'à y être?). Il regarde des films aussi. Ça l'aide à comprendre, vous comprenez. Comme ça, il peut départager le vrai du faux dans la culture populaire. C'est fou ce que ça l'aide à comprendre! (J'espère que vous saisissez le sarcasme.)

La nuit, il tue les méchants. Le jour, il prend ses courriels sur son ordi. Puis il prend ses courriels sur son iPatente. Puis il utilise encore le iPatente pour faire de la recherche. Puis il monte dans sa Porche, mais avant de partir, il prend les messages dans sa boîte vocale. Puis il s'engage dans le trafic. Ça lui prend souvent quatre heures pour faire deux cents kilomètres parce que la circulation à San Francisco, c'est pas du gâteau. Alors il prend ses courriels. On est chanceux, il ne semble pas avoir de page Facebook. Je n'ose imaginer ce que ce serait.


J'ai l'air de chialer et pourtant j'ai adoré le roman. Parce que, heureusement, les choses changent. Plus Ruben se transforme et plus il apprend à contrôler le processus de transformation, plus il s'ancre dans la vie, la vraie. La télé, les iPatentes et autres cossins prennent le bord. Il décroche complètement de la technologie pour vivre avec intensité sa nouvelle réalité. Et c'est vraiment beau à voir. Bon. C'est vrai qu'il égorge et éventre des animaux dans la forêt, mais on parle d'un loup-garou, ici. Pas d'un ange.

Ce qui m'a frappée, dans ce roman, c'est l'image que nous renvoie Anne Rice de notre vie moderne. Notre maudite vie plate, branchés que nous sommes en permanence sur un gadget ou un autre. Dès le début du roman, on a l'impression que même si Ruben est un gosse de riche et qu'il pourrait se taper toutes les aventures de la planète sans que son compte en banque en souffre, il passe son temps à vérifier si quelqu'un (sa mère, sa blonde, son père, son frère, son ami, son boss) essaie d'entrer en contact avec lui. Et au lieu de lire des livres pour s'informer, il google et butine d'une page web à l'autre en allant au plus sommaire. Il écoute la radio, regarde la télé, consulte ses courriels, ENCORE!

Dans ce roman, d'apparence fantastique, c'est toute une critique de notre société que présente Anne Rice. Elle nous montre à quel point nous vivons par procuration, en nous attardant aux contacts virtuels davantage qu'au contact humain. Si au moins ces contacts étaient significatifs! Combien de messages en valent la peine? Vous savez, un message qui contient le genre d'informations qu'on mettait autrefois dans une lettre? le genre d'information qui compte?

L'image ci-dessous circulait beaucoup sur Facebook il y quelque temps.



Quand je l'ai collée dans mon agenda, j'ai inscrit en dessous : « En nous créant une existence virtuelle, nous sommes devenus spectateurs de notre vie réelle. » C'était en février 2012. 

Je vais vous faire rigoler, mais il y a une chose dans le roman qui attire et garde Reuben dans la réalité tangible et loin des écrans de toutes sortes. C'est d'ailleurs un des gros déclencheurs de l'histoire. Il baise comme une bête (littéralement). Et ça, il le fait sans gadget. Encore heureux! Il paraît qu'il y en a qui ont besoin d'un écran pour ça aussi.

P.-S. J'ai lu dans le journal la semaine dernière que les jeunes commencent à décrocher de Facebook. Grand bien leur fasse! J'espère juste qu'ils n'iront pas se raccrocher à un autre leurre et qu'ils iront baiser en pleine forêt, comme Ruben. Ou sur la table de la salle à manger. Disons que la scène, dans le roman, fait beaucoup d'effet.


P.-S. La semaine dernière, aussi, je suis tombée sur cet article sur Internet. Comme ça, les cadres de Google envoient leurs enfants dans une école où on enseigne avec un tableau noir, de la craie, des cahiers et des crayons. Pas d'ordis, mais de vraies encyclopédies en papier. Il me semble que ça doit vouloir dire quelque chose.