Je vais vous le
dire tout de go. Le premier tome de la série Songs of Ice and Fire (Le
trône de fer), intitulé Game of
Thrones, fait partie des cinq meilleurs romans que j'ai lus de ma vie.
Sérieux. Ça m'a pris deux mois pour le lire parce que je tenais à le lire en
anglais et que c'est une méchante brique. C'était il y a deux ans. Je peux encore citer des bouts par cœur. Je
feuillette les pages de temps en temps, histoire de me remémorer comment je me
sentais en lisant tel ou tel passage. Histoire aussi de ressentir encore le
plaisir que j'avais de découvrir Tyrion, de rire de ses traits de génie. J'ai
même mis un bout du roman en exergue dans mon propre roman Les deux saisons du Faubourg parce que, au début de l'histoire, on
voit de haut un homme marche dans la rue Sainte-Claire par une nuit d'hiver.
Son corps est fouetté par le vent, un
vent qui, on dirait, essaie de lui arracher ses vêtements comme une amante
insatiable. Cette scène m'a été inspirée directement par ce que je considère
comme l'une des plus efficaces du roman de George R. R. Martin, quand Tyrion
marche sur le Mur et qu'il y vente à écorner les boeufs.
Pourtant, aussi
fan que je puisse l'être du roman de Martin, je n'ai regardé que la première
saison de la série télévisée Game of
Thrones et le premier épisode de la deuxième saison. J'ai ensuite rangé les
DVD dans la bibliothèque en disant à mon chum qu'il pouvait regarder le reste
s'il le voulait, mais sans moi.
L'an passé, j’ai
acheté la première saison de la série américaine Breaking Bad. J'ai regardé deux épisodes et j'ai donné les DVD à ma
fille.
Parce que je m'en
viens méfiante, j'ai loué le premier disque de Vicking. J'ai regardé un épisode et demi et j'ai rapporté le disque
au club vidéo.
Même chose pour
les films. Je les loue au club vidéo et souvent — trop souvent! — je les
rapporte sans les avoir terminés. Je ne vais presque plus au cinéma. Je refuse
d'être immobilisée et agressée pendant deux heures par des scènes d'une violence
invraisemblable doublée d'une tension artificielle, inutile et exagérée. J'étais pourtant une grande cinéphile!
C'est le mal du
siècle, cette tension artificielle, inutile et exagérée. On dirait que les
producteurs, réalisateurs et scénaristes ne savent plus produire autre chose.
Pire, il y a surenchère! C'est à qui va y aller de la série la plus stressante
pour rien. Mais on s'entend, ça n'améliore pas l'histoire. Je dirais même que ça lui nuit. Ça attire l'attention ailleurs, ça l'éloigne de ce qui devrait être le vrai propos du film ou de la série, c'est-à-dire de parler de la vie. La plus grande qualité des romans de George R. R.Martin n'est-elle pas justement d'avoir l'air vrais, malgré le monde inventé? Tous ses personnages, du plus vieux au plus jeune, peu importe le sexe, possèdent un réalisme qui décoiffe le lecteur et rend jaloux ses collègues écrivains.
Ne croyez-vous pas qu'un tel niveau de violence et de tension pourrait servir à détourner notre attention et nous en passer une petite vite de temps en temps?
Anecdote
qui m'a jetée à terre: La semaine dernière, je donnais une entrevue au sujet de
mon dernier roman. La journaliste, qui l'avait lu, m'a dit qu'elle avait
toujours peur que mon personnage rencontre un méchant, qu'il lui arrive un
grand malheur (un viol?), parce qu'elle était seule sur la route dans un pays
étranger. Faut-tu être rendu assez habitué, en tant que société, pour que notre
imagination s'emballe et qu'on cherche le stresse là où il n'y en a pas? Tout
simplement parce qu'il y en a partout, parce que c'est
devenu… instinctif d'avoir peur quand on regarde un film, une série ou qu'un
lit un roman? C'est pourtant pas normal.
(Attention, spoilers!)
Je suis tombée
lundi matin sur cet article dans le Courrier international. L'auteure Danielle
Henderson s'insurge devant la violence et le sexisme qu'on retrouve dans la
série télévisée Game of Thrones. Elle
dénonce en particulier des scènes de viol et le fait qu'Alex Graves, l'un des
réalisateurs, affirme que la scène de viol (Quand Jaime viole Cersei devant le
cercueil de leur fils) était concensuel puisque les deux personnages ont l'habitude
de coucher ensemble. Je vous laisse juger par vous-même s'il s'agit ou non d'un
viol. La scène se trouve ici.
Toute cette
violence gratuite n'est pas sans effet pervers, même au niveau artistique. Voici
un article d'une auteure du Guardian qui explique comment la scène de viol vient fausser le
personnage de Jaime qui, jusqu'à maintenant, n'était pas totalement méchant. Tous les écrivains
vous le diront: ça ne prend pas une grande incohérence pour que le lecteur
cesse de croire au personnage.
Avons-nous
vraiment besoin de toute cette violence, de toute cette tension, de tout ce
stress? Ou bien avons-nous affaire à une dérive qu'on a fini par accepter parce qu'on ne
nous présente pas autre chose? Je commence à penser qu'il s'agit de la faiblesse artistique du XXI siècle. Quelque chose qui ressemble à une béquille. Quelque chose qui viendrait de la paresse et du manque d'imagination des auteurs.