Ça y est!
Après des années de chialage et de
tergiversations, le monde littéraire estrien semble enfin avoir accepté qu'il
n'existe pas qu'une seule littérature de valeur.
En effet, samedi prochain,
lors de son assemblée générale annuelle, l'Association des auteures et auteurs
de l'Estrie (AAAE) devrait passer à l'histoire en adoptant une motion qui distinguera
la littérature blanche de la littérature de genre, et ce, sans jugement de
valeur. (J'utilise le terme littérature blanche, alors qu'eux se
contentent de distinguer la littérature de genre de l'autre littérature, mais
on ne va couper les cheveux en quatre et faire du chichi si près du but.)
L'important, ce que l'époque où l'on remettait année après
année le prix littéraire aux mêmes deux ou trois auteurs (alors qu'il y avait
une trentaine de romans en compétition) est révolue. Désormais, si la proposition
est adoptée, la littérature blanche et la littérature de genre seront jugées
dans des catégories séparées. Un auteur aura donc le choix entre quatre prix
littéraires.
·
Le Prix Alfred-Desrochers, qui récompense une
oeuvre de création littéraire (roman, conte, nouvelles, poésie, théâtre et
récit). (Ce qu'en dehors du milieu littéraire littéraire on appelle la littérature blanche.)
·
Le Prix Suzanne Pouliot-Antoine Sirois, qui
récompense une oeuvre jeunesse pour les 6 à 16 ans.
·
Le prix Alphonse-Desjardins, qui récompense une
oeuvre n'appartenant pas à la catégorie création littéraire (essai, biographie,
autobiographie, mémoires).
·
Et désormais, le Prix estrien de la littérature
de genre, qui récompensera une oeuvre de création littéraire s'adressant à un
large public adulte et faisant partie d'un genre
littéraire (historique, policier, érotique, fantastique, de science-fiction, de
fantasy, de merveilleux, d'aventures d'amour et chick lit).
)
Un livre ne pourra être présenté à plus d'un prix littéraire
de l'AAAE en même temps. Ce sera donc à l'auteur de décider où il pense avoir
de meilleures chances. Dans tous les cas, le livre doit être publié soit par
une maison d'édition, soit sur Internet ou à compte d'auteur, mais il doit être
soumis sous forme de livre relié.
Ces prix, qui viennent chacun avec une bourse de 2000 $,
seront remis aux deux ans (les années impaires). Ils s'adressent évidemment aux
auteurs de l'Estrie membres de l'AAAE.
Je sais que bien des auteurs n'aiment pas l'appellation littérature de genre. Pas plus, sans
doute, que d'autres n'aiment l'appellation littérature
blanche. Sachez qu'il s'agit toujours d'une question de point de vue... et
d'ego, naturellement.
Je sais aussi qu'on aime bien dire qu'il n'existe qu'une
seule littérature. Ça paraît bien. On a l'air égalitaire, quand on dit ça. On a
l'air démocrate. Sauf qu'il faut admettre que lorsqu'on prétend qu'il n'y a
qu'une seule littérature, on peut difficilement expliquer les résultats des
prix du Gouverneur général. Les éditeurs, eux, savent bien que tous les livres
ne sont pas jugés sur les mêmes critères. Pour preuve, ce ne sont pas tous les
ouvrages qu'ils soumettent aux GG.
Avec ses quatre prix, l'AAAE admet qu'on ne juge pas un
roman de science-fiction avec les mêmes critères qu'un roman d'autofiction. La
virtuosité dont peut faire preuve un auteur en jouant avec les mots ne vaut pas
moins qu'un récit mené tambour battant. L'efficacité d'un page-turner n'a pas à
céder le pas devant la beauté des phrases d'un recueil de poésie.
Bien sûr, dans tous les cas, il faut savoir écrire. Et il
faut avoir quelque chose à dire. Mais la distinction demeure: en littérature
blanche, le contenant prime sur le contenu. En littérature de genre, c'est
l'inverse. Admettre cette différence, ce n'est pas effectuer un jugement de
valeur. C'est admettre qu'en littérature, il en faut pour tous les goûts. C'est
valoriser la diversité. Et c'est célébrer le foisonnement d'idées et de talents
estriens.