mardi 19 janvier 2016

Un prix pour la littérature de genre en Estrie





Ça y est! 

Après des années de chialage et de tergiversations, le monde littéraire estrien semble enfin avoir accepté qu'il n'existe pas qu'une seule littérature de valeur. 

En effet, samedi prochain, lors de son assemblée générale annuelle, l'Association des auteures et auteurs de l'Estrie (AAAE) devrait passer à l'histoire en adoptant une motion qui distinguera la littérature blanche de la littérature de genre, et ce, sans jugement de valeur.  (J'utilise le terme littérature blanche, alors qu'eux se contentent de distinguer la littérature de genre de l'autre littérature, mais on ne va couper les cheveux en quatre et faire du chichi si près du but.)

L'important, ce que l'époque où l'on remettait année après année le prix littéraire aux mêmes deux ou trois auteurs (alors qu'il y avait une trentaine de romans en compétition) est révolue. Désormais, si la proposition est adoptée, la littérature blanche et la littérature de genre seront jugées dans des catégories séparées. Un auteur aura donc le choix entre quatre prix littéraires.

·         Le Prix Alfred-Desrochers, qui récompense une oeuvre de création littéraire (roman, conte, nouvelles, poésie, théâtre et récit). (Ce qu'en dehors du milieu littéraire littéraire on appelle la littérature blanche.)

·         Le Prix Suzanne Pouliot-Antoine Sirois, qui récompense une oeuvre jeunesse pour les 6 à 16 ans.

·         Le prix Alphonse-Desjardins, qui récompense une oeuvre n'appartenant pas à la catégorie création littéraire (essai, biographie, autobiographie, mémoires).

·         Et désormais, le Prix estrien de la littérature de genre, qui récompensera une oeuvre de création littéraire s'adressant à un large public adulte et faisant partie d'un genre littéraire (historique, policier, érotique, fantastique, de science-fiction, de fantasy, de merveilleux, d'aventures d'amour et chick lit).
)
Un livre ne pourra être présenté à plus d'un prix littéraire de l'AAAE en même temps. Ce sera donc à l'auteur de décider où il pense avoir de meilleures chances. Dans tous les cas, le livre doit être publié soit par une maison d'édition, soit sur Internet ou à compte d'auteur, mais il doit être soumis sous forme de livre relié.

Ces prix, qui viennent chacun avec une bourse de 2000 $, seront remis aux deux ans (les années impaires). Ils s'adressent évidemment aux auteurs de l'Estrie membres de l'AAAE.

Je sais que bien des auteurs n'aiment pas l'appellation littérature de genre. Pas plus, sans doute, que d'autres n'aiment l'appellation littérature blanche. Sachez qu'il s'agit toujours d'une question de point de vue... et d'ego, naturellement.  

Je sais aussi qu'on aime bien dire qu'il n'existe qu'une seule littérature. Ça paraît bien. On a l'air égalitaire, quand on dit ça. On a l'air démocrate. Sauf qu'il faut admettre que lorsqu'on prétend qu'il n'y a qu'une seule littérature, on peut difficilement expliquer les résultats des prix du Gouverneur général. Les éditeurs, eux, savent bien que tous les livres ne sont pas jugés sur les mêmes critères. Pour preuve, ce ne sont pas tous les ouvrages qu'ils soumettent aux GG.

Avec ses quatre prix, l'AAAE admet qu'on ne juge pas un roman de science-fiction avec les mêmes critères qu'un roman d'autofiction. La virtuosité dont peut faire preuve un auteur en jouant avec les mots ne vaut pas moins qu'un récit mené tambour battant. L'efficacité d'un page-turner n'a pas à céder le pas devant la beauté des phrases d'un recueil de poésie.

Bien sûr, dans tous les cas, il faut savoir écrire. Et il faut avoir quelque chose à dire. Mais la distinction demeure: en littérature blanche, le contenant prime sur le contenu. En littérature de genre, c'est l'inverse. Admettre cette différence, ce n'est pas effectuer un jugement de valeur. C'est admettre qu'en littérature, il en faut pour tous les goûts. C'est valoriser la diversité. Et c'est célébrer le foisonnement d'idées et de talents estriens.  


mercredi 6 janvier 2016

Pour 2016, je vous souhaite un personnage...

Tyrion Lannister, créé par George R. R. Martin

Qu'ont en commun Maria Chapdelaine, Marguerite Volant, Émilie Bordeleau, Maude Graham? La même chose que Luke Skywalker, Miss Marple, D'Artagnan, Arsène Lupin, Sherlock Holmes, Ulysse, Astérix et le roi Arthur. Ce sont des personnages sortis de l'imagination d'un artiste. Ce sont des personnages qui ont pris, une fois leur existence publique, une dimension tellement importante dans l'imaginaire collectif qu'ils existent pour de vrai dans l'esprit des gens, indépendamment de leur auteur et parfois même à la place de l'auteur. Vous me direz qu'Émilie Bordeleau avait été inspirée par une femme de la Mauricie, et vous aurez raison. Mais ce n'est pas cette femme qui est passée à l'histoire, c'est le personnage créé par Arlette Cousture.

Plus important encore, cependant, qu'un personnage qui passe à l'histoire, c'est un personnage qui aide une vraie personne à vivre. Comme Tyrion Lannister. Car le génie de George R.R. Martin en créant Tyrion, ce n'était pas d'en faire un nain. Non, le génie de Martin, ce fut d'en faire un humain atteint de nanisme. Car Tyrion n'est pas une créature fantastique comme Bilbo ou Willow. C'est l'un de nous, né différent de nous. Et tout le monde sait quel sort l'humanité a réservé, de tout temps, à ses membres différents.

J'ai pris conscience de l'importance de ce personnage quand une amie a donné naissance, l'an dernier, à Francis, un enfant atteint de nanisme. Plus chanceux que ses pairs nés il y a vingt ans, Francis grandira avec un modèle fort, intelligent, courageux et admirable, pas avec l'idée qu'il est une créature de cirque ni qu'il est d'une autre espèce. Et ça, c'est une grande avancée pour l'humanité.  Car, ne l'oublions pas, il y a  deux types de personnes en ce moment sur la Terre: ceux qui aiment Tyrion Lannister et ceux qui n'écoutent pas Game of Thrones. 

Alors, chers collèges et amis écrivains, ce que je vous souhaite pour 2016, c'est le génie nécessaire pour créer un personnage qui non seulement transcendera la personne que vous êtes, mais qui aidera une autre personne à vivre sa vie.