lundi 22 juillet 2013

La chance dans la carrière d'un écrivain

« Dans la vie, il y a trois facteurs : le talent, la chance, le travail. Avec deux de ces facteurs, on peut réussir. Mais l'idéal est de disposer des trois. » Bernard Werber.

Ma carrière ne serait pas celle qu'elle est si je n'avais pas eu de chance dès le début. L'année de mon prix Robert-Cliche, il y avait deux auteurs de romans historiques parmi les membres du jury. J'aurais soumis mon texte l'année d'avant ou l'année d'après, je serais passée dans le beurre.

À partir de là, il a fallu certes beaucoup de travail, mais il a fallu aussi que je voie la chance quand elle passait. Et, heureusement pour moi, elle est passée fréquemment. Je ne saurais dire si je l'ai saisie chaque fois, mais je me suis servie assez souvent, merci. Il m'est même arrivé de saisir une occasion sans m'en rendre compte, comme si, inconsciemment, une petite voix me disait : « C'est le temps! Maintenant! » J'ai donc appris à écouter cette petite voix intérieure qui sait ce que je ne sais pas.

Évidemment, pour arriver à cette vision du monde, il faut admettre qu'on ne contrôle qu'une infime partie de notre vie, même si on a l'impression que tout ce qui nous arrive dépend de nous. Si vous êtes de ceux qui se pensent en contrôle de leur existence, je vous suggère d'aller jaser avec les gens de Lac-Mégantic. Ils en ont gros à dire sur le sujet.

Personnellement, j'ai fini par élaborer ma propre définition de la chance. La chance, donc,  pour moi, c'est le hasard dans lequel on voit une opportunité. On peut la prendre ou pas.

Lors d'un voyage en Nouvelle-Écosse pour repérer les lieux que j'ai utilisé dans Les deux saisons du Faubourg, j'ai fait la connaissance d'un homme aussi intéressant qu'original. Il s'appelle Bill. Bill est un businessman qui a réussi là où plusieurs se sont plantés. Je lui ai posé cette question : Comment fait-on pour avoir du succès en affaires? Sa réponse : Il faut sentir le vent, agir quand notre instinct nous dit que c'est le moment et s'y investir sans retenue. Si on ne mise que 50 %  et qu'on échoue, on ne saura jamais ce que ça aurait donné si on y avait mis 100 %. Pour résumer, disons que Bill est contre la prudence. Je ne parle pas ici de la prudence au volant ou devant un B. B. Q au propane. Je parle de celle qui nous empêche de nous investir à 100 % pour mener à terme quelque chose de plus grand que nous-mêmes par peur de tout perdre.

Bill s'est lancé à 100 % il y a une dizaine d'années dans une aventure qui visait à mettre sur pied un commerce qui durerait. Certes, il s'était planté quelques fois auparavant. Mais, me disait-il, il avait beaucoup appris de ses échecs. D'une fois à l'autre, il ne reproduisait jamais les mêmes erreurs, même s'il en commettait de nouvelles. Son but n'était pas de faire de l'argent. Il voulait simplement réussir, voir sa business naître, grandir et survivre. Cette motivation lui donnait une sorte de sixième sens pour flairer les opportunités. Un œil supplémentaire pour voir la chance quand elle passait.

J'ai beaucoup réfléchi depuis ma rencontre avec Bill et je suis arrivée à la conclusion que sa philosophie s'applique aussi aux arts. À l'écriture, en tout cas. Questionnez n'importe quel écrivain qui connaît un succès qui dure. Il vous parlera du talent (Évidemment, il en faut.). Il vous parlera aussi du travail, de toutes ces heures qu'il consacre à l'écriture. Et s'il est honnête, il vous dira qu'un jour, dans sa vie, il a vu la chance apparaître devant lui et qu'il l'a attrapé au vol.

Il s'agit parfois de rencontrer la bonne personne.

Il s'agit parfois de sortir un livre à un moment où il se produit un événement médiatique qui rejoint le sujet traité dans ledit livre, et ce, sans l'avoir planifié.

Il s'agit parfois de publier un roman d'un certain genre (sans faire exprès!) dans les mois qui suivent un grand succès du même genre et de récupérer, par accident, le lectorat de l'auteur à succès.

Et il peut s'agir de soumettre son manuscrit à un concours telle année plutôt que telle autre, sans savoir qu'il y a, parmi les membres du jury, des gens avec qui on a des affinités littéraires.

Mais il y a une chose que j'ai remarquée et que Bill et d'autres hommes d'affaires avec qui j'en ai jasé pourraient vous confirmer : La chance vous ignore souvent si votre seul but est de faire de l'argent. On dirait même qu'elle ne vient que si vous avez un objectif plus grand : accomplir quelque chose.

Ça a l'air quétaine, dit comme ça, je sais. Mais, des fois, je me demande si Herman Hesse n'avait pas raison quand il disait :

« La chance n'a rien à voir avec la raison ni avec la morale. Elle est d'essence magique, attribut d'un niveau précoce et juvénile de l'Humanité. »  Dans le fond, au niveau précoce et juvénile de l'Humanité, l'argent n'existait pas. 

3 commentaires:

  1. Bien, il faut croire que la chance, c'est comme le talent: il y en a qui en ont plus que d'autres. Faut surtout pas vouloir être comme ou faire comme.
    Et puis, ça dépend de ce qu'on entend par succès, c'est quoi la réussite. Faut pas s'attendre non plus à tous être au sommet, tout le temps, il y a toujours une montagne plus haute... à gravir ou non, c'est selon.

    RépondreSupprimer
  2. Modesty Blaise, une héroïne à la James Bond que j'adore, disait aussi que la chance, on en a tous un certain capital et qu'il ne faut donc le dépenser en se mettant en danger pour rien. Il faut utiliser "sa chance" pour ce qui compte vraiment. Ça m'a toujours fait réfléchir à être reconnaissante quand la chance se pointait enfin. :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'adore Modestie Blaise, avec la plante des pieds aussi tannée que le cuir. Je ne la savais pas aussi sage.

      Supprimer