mercredi 6 mai 2015

Mon plusss meilleur roman canadien à vie


Plus jeune, j'étais docile, mais avec l'âge a jailli chez moi un tempérament insoumis. Voilà pourquoi, aujourd'hui, j'ai de la misère avec les prescriptions. Faut faire ceci. Tu devrais faire cela. Suffit qu'on me l'ordonne pour que je fasse le contraire.
Je vous laisse imaginer l'effet que me fait une liste de prescriptions. Les cent choses qu'il faut faire pour vivre jusqu'à 100 ans. Les vingt habitudes des gens à succès. Vous voyez le genre?
Ces temps-ci a lieu un concours intéressant à Radio-Canada. Intéressant, mais horripilant en même temps. Il s'appelle 100 livres d'ici à lire une fois dans sa vie.
Le point de départ: On a tous « notre » livre : celui qui nous a fait rire, pleurer, rêver ou réfléchir, et qu’on voudrait que tout le monde lise une fois dans sa vie.
Ne vous méprenez pas. Je trouve toujours génial qu'on parle de littérature. Peu importe sa forme, concours ou pas. Prescription ou pas. Ce qui me chicote, c'est quand on demande à des «vedettes»  de nous dire quel livre chacun devrait avoir lu une fois dans sa vie. Parce que, voyez-vous, inévitablement, l'ego prend le dessus, et les gens vous parlent du livre qu'il est bien vu d'avoir lu et/ou aimé et qu'on se doit de recommander quand on fait partie du grand monde.

Je vais vous donner un exemple. Dans La Presse, samedi de la semaine dernière, Michèle Ouimet interviewait Yves Bolduc dans une série d'articles sur la vie après la politique. Vous trouverez l'article complet ici.
À un moment donné, elle dresse la liste des gaffes d'Yves Bolduc et écrit: «Mais c’est la critique sur les livres qui lui a fait le plus mal. Bolduc est un grand lecteur. Au primaire, il lisait un livre par jour. Il me montre son iPad dans lequel il a téléchargé des livres de Platon, Plutarque, Nietzsche, Machiavel, Kant, Henry Kissinger, Kierkegaard. Quand il me voit noter les noms, il me prévient. « Je ne veux pas avoir l’air prétentieux. » »

Pas besoin que je vous fasse un dessin; personne ne croit qu'il avait lu tout ça récemment. Surtout pas sur son iPad!  

La liste de Radio-Canada me fait un peu cet effet-là. Oh, il y a certainement des romans bien intéressants dans le lot. J'en ai d'ailleurs lu quelques-uns. Et il y a certainement des gens pour avoir été marqués par ces romans. Mais je me demande... Pourquoi est-ce que les romans qu'on devrait lire ne sont jamais les romans qu'on a envie de lire? Parce que, soyons honnêtes, dans la liste proposée par Radio-Canada, on ne trouve pas beaucoup de romans grand public, le genre qu'aiment lire monsieur et madame Tout-le-Monde. En tout cas, moi, je n'y rien trouvé qui me donnerait envie de me garrocher à la librairie.
Pour compenser, je me suis dit que je vous parlerais de mon plusss meilleur roman canadien à vie. J'ai la certitude qu'il ne se retrouvera pas dans la liste de SRC, alors aussi bien vous faire un billet sur le sujet.
Le roman en question s'intitule Zemindar (Titre français: Le Zémindar), écrit par la Canadienne Valerie Fitzgerald, mais publié en 1981 en Grande-Bretagne. Il a gagné deux prix: le Romantic Novel of the Year (RoNa's) Award (1982) et le Georgette Heyer Historical Novel Prize (1981). Il a été repris chez Deneau, à Ottawa. Puis il a été traduit en français chez Laffont. C'est cette version que j'ai lue en 1987.
C'était l'été, j'avais 20 ans. Il faisait chaud et, dans le roman, il faisait encore plus chaud. L'histoire se déroule en 1857. Laura Hewitt, Anglaise célibataire, sert de chaperon à sa cousine pendant son voyage de noces dans l'Inde coloniale. Au moment du départ (des mois avant l'arrivée, vitesse de bateau oblige), personne ne sait en Angleterre que les soldats indiens enrôlés dans l'armée britannique sont au bord de la révolte. En tant que lecteur, on vit avec Laura le voyage en bateau (qui contourne l'Afrique par le sud!). On traverse une partie de l'Inde quasiment comme un touriste, alors que les indices de la grogne contre l'Empire sont visibles partout. La vie quotidienne des administrateurs coloniaux s'avère fascinante. Et lorsque la rébellion se produit enfin, on bascule dans le chaos avec les personnages. Comme si on y était! Bon, la deuxième partie, bien que minutieusement détaillée, est un peu trop longue à mon goût. Mais comme l'auteur y raconte le siège de Lucknow, je lui ai toujours pardonné cette faiblesse. Surtout que j'ai moi-même écrit le siège de Louisbourg et je vous jure que le siège d'une ville, ben ça paraît long en titi pour ceux qui le vivent de l'intérieur.
J'ai pensé à l'histoire, aux personnages, aux décors et à l'Inde coloniale longtemps après avoir tourné la dernière page. Je le relis encore, de temps en temps. Et il s'agit du livre que j'ai le plus prêté... et racheté parce qu'il ne revenait pas tout le temps. J'en ai d'ailleurs deux exemplaires à la maison parce que l'un d'eux est revenu alors que je ne l'attendais plus.  Je peux dire sans gêne que c'est le livre qui a eu le plus d'influence sur l'écrivaine que je suis devenue, car c'est ce livre précisément qui m'a donné le goût d'écrire des romans historiques. Et ce n'était pas un goût passager puisque j'en ai écrit sept et que j'en ai encore quelques-uns qui mijotent sur le rond d'en arrière.
Et vous, avez-vu un plusss meilleur roman canadien à vie? Gênez-vous pas si vous avez envie d'en parler ici, ça m'intéresse.
p.s. Je le précise parce que, pour certaines personnes, la chose n'est pas une évidence: Un livre québécois, c'est aussi un livre canadien.

13 commentaires:

  1. J'avais lu Le Zémindar il y a plusieurs années et moi aussi, j'avais adoré. Le genre de livre qui reste dans la tête pendant longtemps!

    Mon meilleur roman canadien? Je répondrais que je déteste n'en mettre qu'un, alors autant dire que soit je donne une courte liste, soit je n'en donne aucun :P

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    1. Ok. Donne ta liste! J'ai failli en mettre trois moi-même, mais je voulais «imiter» le modèle Radio-Canada. :-P

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    2. Ok, comme ça me vient et avec ton aimable autorisation Doyenne ;)

      Scrapbook de Nadine Bismuth (un énÔrme coup de coeur, une chick-lit avant que ça ne soit populaire)
      Les engagés du Grand-Portage de Léo-Paul Desrosiers (québécois, mais ça se passe dans l'Ouest Canadien et pour la puissance des passions)
      La virevolte de Nancy Huston (pour la réflexion sur la maternité)

      Il y en a tant d'autres, je vais me limiter à ceux-ci ;)

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  2. Je ne connaissais pas le Zémindar, mais je vais lire ça avec plaisir! Je crois que c'est le genre qui me plaira!

    Livre qui m'a marquée parce que l'héroïne n'était pas piquée des vers et que c'était la première fois que je rencontrais un personnage féminin si fort: "Jeanne, fille du Roy" de Suzanne Martel. J'avais vraiment été surprise et séduite par ce livre. Aujourd'hui, quand j'écoute les Remarquables oubliés de Serge Bouchard, je vois ces femmes fortes qui ont fondées mon pays mais dont on ne parle pas assez souvent. Et j'imagine Jeanne!

    J'ai lu dernièrement une série de quatre tomes de la même auteure: Menfou Carcajou et c'était tout aussi bon! Encore une fois, elle réussit à montrer des filles qui ont du chien, même dans une époque où c'était difficile d'en avoir sans se faire rabattre le caquet. Mais elle montre aussi toute l'adaptabilité des coureurs des bois et des premiers colons, le mélange des cultures, l'ouverture à d'autres modes de pensée! J'adore cette auteure! Et je regrette tellement que ses livres ne soient pas assez réédités!

    Valérie

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    1. OMG! Jeanne, fille du Roy! C'est TELLEMENT bon! Je pense que je vais me faire une liste de mes plusieurs plusss meilleurs romans canadiens à vie et les mettre sur le blogue avec la mention: Recommandations de la Doyenne (mais vous ferez bien ce que vous voudrez avec. mdr)

      Merci de m'y avoir fait penser.

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    2. Je n'ai pas lu Jeanne (parce que pas à la biblio de mon école secondaire), mais les Memfou Carcajou OUI!!! Et j'ai adoré. D'elle, j'ai aussi lu deux romans jeunesse de science-fiction, Nos amis robots et Surréal 3000, deux excellents livres qui auraient tellement mérité des adaptations cinématographiques!

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    3. C'est vrai que Surréal 3000, c'est pas mal bon.

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  3. Moi c'est "Chroniques du pays des mères" d'Élisabeth Vonarburg qui m'a marquée en tant qu'adolescente, femme, écrivaine et, maintenant, maman. C'est l'histoire d'un futur où les hommes ont presque disparu (décimés par un virus génétique) et où les femmes sont dans l'obligation d'essayer au moins trois fois d'avoir des enfants (par insémination artificielle), pour repeupler le monde. Cependant le personnage principal est infertile. Et cela va à la fois simplifier et complexifier sa vie.

    C'est un roman qui suscite beaucoup de réfléxions sur les notions de masculin et de féminin. Mais c'est aussi un roman magnifiquement écrit, où le féminin l'emporte sur le masculin et où les pronoms féminins sont maintenant les impersonnels (ex : elle pleut, elle neige, etc). Vraiment une belle expérience de lecture.

    Sinon, j'ai été marquée moi aussi par Jeanne, Fille du Roy et par la série Menfou Carcajou. En fait, ces romans-là m'ont inspirée pour les Hanaken! :)

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    1. J'ai lu Chroniques du pays des mères il y a quelques années. J'avais trouvé ça intéressant... mais lent. Mais je comprends ce que tu y trouves parce que ça y est, absolument. Je pense qu'à ce moment-là, j'avais juste besoin d'un peu d'action. C'est souvent l'humeur du lecteur qui fait le plaisir de la lecture. ;-)

      Cela dit, il faut que je mette la main sur Menfou Carcajou. À vous lire, je me dis que ça manque à ma culture.

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    2. Si tu as lu "Jeanne", c'est dans la même lignée (en fait, les cinq livres forment une suite logique d'un point de vue historique et je me demande même si les personnages n'étaient pas apparentés, mais là je doute de ma mémoire).

      Pour ce qui est de la lenteur des "Chroniques" : ouaip, c'est lent. Comme toujours avec Vonarburg! lol! ;) Et même, je crois que c'est son plus "rapide". Mais comme à l'époque de ma découverte je lisais Tolkien avec délectation (et ça c'est plus que lent), ça ne m'avait pas dérangée. Comme tu dis : question d'humeur.

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  4. La liste dont tu parles a-t-elle rapport avec celle de Foglia?
    Le mien? Celui qui m'a marquée intellectuellement: L'Euguélionne de Louky Bersianik. Émotionnellement: Mathieu de Françoise Loranger.

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    1. Non, Claude. C'est la liste de Plus on est de fous, plus on lit. : http://ici.radio-canada.ca/livres-incontournables-2015/concours

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    2. Merci. Ça en fait des livres! Il faut commencer jeune, hihi.

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