jeudi 12 février 2015

Fifty Shades of Grey et ces choses que vous ne devez pas voir



J'ai déjà dit ici ce que j'ai pensé du roman (J'en ai lu 75 pages et je l'ai tiré au bout de mes bras). Quand j'ai vu la bande-annonce du film, il y a quelques semaines, j'ai écrit ces mots à ma chum la sorcière: «C'est pas drôle quand on trouve que le film a l'air meilleur que le livre. »

Mais tout ça, c'est mon avis. Juste mon avis. Est-ce que j'irai voir le film? Probablement pas. Pas mon genre.   

Est-ce que je vous déconseillerais d'aller voir le film? Jamais de la vie! Il en faut pour tous les goûts. De la même manière que j'ai défendu la lectrice de Twilight, je défendrai toujours la lectrice de Fifty Shades of Grey. C'est pas vos oignons, ce qu'elle lit. Pas plus que ce qu'elle fait dans son lit.

Vous me voyez venir?

Il y a un mois est apparu un mouvement que je trouve horriblement rétrograde. Un appel au boycottage du film sous prétexte que le film valorise la violence sexuelle.

Va-t-on boycotter les films où les protagonistes consomment allègrement de la drogue sous prétexte que ça encourage la consommation de drogue?

On commence déjà à bannir les films où les personnages fument parce qu'on dit que ça encourage les gens à fumer.  Ben, je vous le dis tout de suite. Si vous lisez mon prochain roman, les gens fument. Beaucoup plus qu'au Québec. Pourquoi? Parce que je raconte une histoire qui se passe au Yukon pis qu'au Yukon, les gens fument plus qu'ici. Pis ils boivent de l'alcool aussi. Un lecteur averti en vaut deux.

Quand j'ai vu passer sur Facebook les premiers liens vers le boycottage de Fifty Shades of Grey, j'ai eu le poil des bras qui s'est mis au garde-à-vous.  On parle d'oeuvre d'art, ici. Pis que ça plaise ou non aux biens pensants de ce monde, l'art parle aux gens. Qu'ils aiment ou ils aiment pas, ça les regarde eux. On n'a pas à leur dire quoi lire et quoi pas lire. Ni quoi voir et quoi pas voir.

Ce que je trouve plus insidieux dans tout ça —  et dangereux aussi—, c'est que cet appel au boycottage est lancé par un mouvement féministe.

Je suis féministe jusqu'au bout des ongles. Pis je vais envoyer ch... la personne qui viendra me dire ce qu'une femme doit faire ou non de son corps. C'était d'ailleurs ça, le cri de ralliement des féministes, dans le temps, pour obtenir le droit à l'avortement. C'est pas aux autres de décider ce qu'une femme fait de son corps. Ça valait pour l'avortement, ça va pour les pratiques sexuelles marginales et autres.
J'en ai ras le bol qu'on présente toutes les femmes comme des victimes, ou au mieux, comme des victimes potentielles. Pense-t-on qu'elles sont toutes niaiseuses, incapables de voir un film de cul (??) sous prétexte que ça pourrait banaliser ce que d'autres femmes subissent contre leur gré dans leur foyer?

À ce que je sache, le PERSONNAGE d'Anastasia ne se plaint pas de ce que lui fait Mr. Grey. Qui diable sommes-nous pour décider que ses moeurs doivent être réprimées?

Vous rappelez-vous Natural Born Killers? Me souviens pas d'avoir vu un appel au boycottage dans ce temps-là. Et si mes souvenirs sont bons, c'était plus heavy que Fifty Shades of Grey. Pas mal plus heavy! Mais, c'est vrai, ça ne parlait pas de cul. Ni de femmes. On y montrait des tueurs d'une violence inouïe devenir aussi populaires que des rock stars. C'est sûr que c'est moins grave.

Il fut un temps où le clergé dressait une liste des livres interdits. On appelait ça l'Index.  Sommes-nous revenus à cette époque-là?

Voici une autre réaction dans le même sens. J'aime le titre: Un moralisme puritain inquiétant.

Ajout le 13 février: En v'là une autre qui aborde le même sujet et qui arrive aux mêmes conclusions que moi. La copieuse! ( mdr ) 
http://journalmetro.com/opinions/prochaine-station/720570/cinquante-nuances-dinfantilisation-de-la-femme-adulte/



13 commentaires:

  1. En fait, oui, le personnage d'Anastasia se plaint beaucoup des "attentions" de Mr Grey. Il fait des très fortes pressions sur elle pour qu'elle embarque dans une relation BDSM qui ne l'intéresse vraiment pas et la rend mal à l'aise. Elle a souvent peur qu'il la punisse, la frappe, etc. La lecture du livre m'a rendue complètement angoissée tellement je me sentais mal pour elle. Pas turn-on du tout. Donc dans ce sens-là, je comprends le mouvement.

    Cela dit, c'est pas pantoute cette critique du livre/film qui ressort. On rit du côté "mommy porn", comme si c'était tellement drôle qu'une femme puisse avoir des envies sexuelles.

    (Je sais pas si mon premier commentaire a passé, désolée si ça reposte!)

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    1. Merci pour cette précision. Je ne peux quand même pas condamner la lecture. On n'a pas forcé à lire les millions de femmes qui ont acheté le livre.

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    2. Le point que souligne Myr_Heille est ce qui m'a mise mal à l'aise durant la lecture de Fifty Shades. L'héroïne ne prend pas vraiment plaisir à la relation BDSM dans laquelle elle s'est embarquée. Je peux comprendre que certaines féministes en fassent une lecture "premier degré". Je crois qu'elles oublient juste que l'auteure permettaient ainsi aux lectrices éventuelles de mieux s'identifier au personnage qui "non, non, n'aime pas ça", mais finit par y revenir... ;)

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    3. Étant donné qu'on ne trouvait aucune scène de ce genre dans les 70 premières pages, je ne peux commenter. ;-) Et comme j'ai pas l'intention d'aller lire le reste, je vais me fier à votre opinion.

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  2. C'est surtout de ceci dont se plaignent les féministe : http://theramblingcurl.blogspot.co.uk/2014/02/fifty-abusive-moments-in-fifty-shades.html?m=1
    Ce n'est pas de condamner la lecture de ce livre, c'est de faire réaliser que derrière un livre qui semble relativement innocent se cache un message dégradant qui encourage la culture du viol. Et il le fait si bien qu'il faut souvent une deuxième lecture pour réaliser l'ampleur du truc. Que des gens le lisent ou pas n'a pas d'importance; qu'ils le lisent en connaissance de cause, par contre...! Ce n'est pas le fait que ça parle de cul ou de femmes aimant le cul, le problème. C'est parce que c'est clairement l'histoire d'un homme manipulateur, pervers et narcissique qui profite de la naïveté d'une jeune femme qui a peur, qui n'aime pas ça (avoir du plaisir n'égale pas être consentante; il la viole à de multiples reprises alors qu'elle dit "non"!!), qui est brimée et violentée (il l'éloigne de sa famille, il la frappe sans qu'elle le veuille et, je répète, elle a peur et elle a mal).

    Est-ce que ça mérite le boycott? Non. Est-ce que ça mérite qu'on en parle et qu'on l'analyse un peu, qu'on informe les gens sur ce qu'est la culture du viol et à quel point ce livre en fait l'apologie sans le vouloir? Oui! Le but est-il de culpabiliser les lectrices? Non (et je sais que certains en profitent, mais bon dieu : NON!!). Et tant mieux si la popularité de Fifty Shades of Grey permet ensuite de trouver sur le marché plus de livres qui explorent la sexualité féminine; il pourrait alors y en avoir des plus respectueux des hommes ET des femmes parmi le lot ;)

    En tant que bibliothécaire, je profiterais même de la sortie du film pour donner une sélection d'objets culturels (documentaires, romans, peintures, films, etc.) sur le sujet : quelle belle occasion de découverte sans culpabilité!

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    1. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on ait une réflexion sur le sujet. Tout comme on peut jaser du contenu des textes du Marquis de Sade. C'est d'ailleurs souvent à ça que ça sert, la littérature. Mais le boycottage d'une oeuvre, je ne l'accepterai jamais.

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    2. Je viens de finir de lire le lien que vous avez donné ci-haut. Ouf! Je comprends tout à fait le point de vue de l'auteure du billet. Le problème, c'est qu'il y aura toujours des gens pour dénoncer ce qu'on trouve dans les livres (ou dans un film). Suffit de chercher un peu. (Vous trouverez même des arguments de gens convaincus que Harry Potter devrait être boycotté!)

      Si Fifty Shades of Grey fait autant de vagues, c'est à cause de son succès. On trouve tout plein de fan fiction sur internet, des textes qui contiennent autant sinon plus de choses que l'auteure du billet trouverait insupportables. Personne n'en parle parce que personne ne les lit.

      Si les artistes ne devaient écrire que des textes socialement acceptables, ça tuerait la créativité.

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    3. Bien d'accord pour le fait que la créativité est allergique au politiquement correct!

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  3. Moi je tiens juste à dire que quand j'étais au primaire, une de mes amies n'avait pas le droit de jouer à Pokemon parce que ses parents pensaient que ça l'encourageait à la violence. :)

    Question de supporter la comparaison de la Doyenne avec Harry Potter ;)

    Et rire un peu.

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    1. Faut lire ce résumé de la situation concernant Harry Potter aux États-Unis. C'est terrible. Les références en dessous sont éloquentes. http://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_religieuse_sur_la_s%C3%A9rie_Harry_Potter

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  4. En v'là une autre qui aborde le sujet et qui, étrangement, arrive aux mêmes conclusions que moi.
    http://journalmetro.com/opinions/prochaine-station/720570/cinquante-nuances-dinfantilisation-de-la-femme-adulte/

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  5. J'ai dévoré la série Fifty Shades (en version anglaise), même si à la première lecture, j'ai détesté la première partie du premier tome. À cause de la manipulation, de l'odeur d'abus. Mais en me donnant la peine de tout lire, particulièrement le 2e tome, on comprend mieux ce qui se passe vraiment. L'abus, c'est lui qui l'a vécu dans son enfance, tiens donc! D'où son comportement marginal. Et mademoiselle est consentente sur toute la ligne, et l'envoie promener quand ça dépasse la limite. Et diantre, "ils se marièrent et eurent plusieurs enfants". Un mariage, de plein gré en plus, quoi de plus conventionnel et traditionnel? Les médias en font tout un plat, mais quand on lit les trois tomes comme un tout, c'est bel et bien une histoire d'amour, même si le contexte de départ dérange certains. Mais ce qui dérange le plus, en réalité, c'est le succès d'une auteure. Que ce soit au Québec ou de par le monde, on aime bien rire de la "médiocrité" des auteurs populaires. Et c'est dommage. Tant pour les auteurs qui ne méritent pas ce snobisme, que pour le lectorat, qu'on prend pour des cons!

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    1. «Mais ce qui dérange le plus, en réalité, c'est le succès d'une auteure. Que ce soit au Québec ou de par le monde, on aime bien rire de la "médiocrité" des auteurs populaires. Et c'est dommage. Tant pour les auteurs qui ne méritent pas ce snobisme, que pour le lectorat, qu'on prend pour des cons!»

      Vous m'enlevez les mots de la bouche. Merci! :-D

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