jeudi 28 mars 2013

L’écrivain de série «grand public», une réalité semblable et différente à la fois.

  Ce billet est un complément à celui de la doyenne, publié la semaine dernière, où il était question de la situation économique des écrivains à temps plein. Ce qui veut dire que je parlerai uniquement de ce que ça peut changer, aux niveaux des revenus, d’avoir écrit une série au lieu de plusieurs livres «uniques». C’est vrai que j’aurais pu ajouter mon grain de sel à même le billet précédent, mais je me suis dit qu’il était déjà assez long comme ça! ;)

  À mon humble avis, l’écriture d’une série est une arme à double tranchant. Autant ce choix d’écriture peut-être bénéfique à long terme pour l'auteur, autant il peut être catastrophique. Pourquoi? Parce que l’histoire s’échelonne sur plusieurs tomes et, donc, sur plusieurs années. Deux facteurs entrent ainsi en jeu, soit l’histoire en elle-même et le temps qui s'écoule entre la publication du premier et du dernier tome. Sachez que ces deux facteurs s'influencent mutuellement. 

  Qui dit série, dit long récit où reviennent, tomes après tomes, le même univers et les mêmes personnages. Plusieurs possibilités s’offrent alors aux lecteurs, avec autant de conséquences différentes sur les revenus de l’écrivain.

  La première possibilité est le rêve de l’écrivain : Dès le premier tome, le lecteur est conquis et achète, jusqu’au dernier, chacun des tomes qui suivent. Pendant tout ce temps (3 à 5 ans le plus souvent), ce lecteur propage la bonne nouvelle autour de lui, faisant connaître la série à ses amis, qui, eux, font de même. Plus le temps avance, plus les ventes sont intéressantes puisque ceux qui découvrent la série plus tard achètent souvent non seulement le premier tome, mais aussi tous ceux sortis depuis. C’est ce qui fait qu’un tome 2, par exemple, peut connaître de meilleures ventes à sa deuxième et troisième année sur les tablettes. Ce lecteur est celui qui a l’influence la plus  bénéfique sur les revenus parce que, non seulement il achète, mais en plus, il fait vendre. Dans son cas, le bouche à oreille est le meilleur ami de l’écrivain. 

  La deuxième possibilité : Le lecteur a aimé les premiers tomes, mais, lassé de l’histoire pour diverses raisons au troisième, au cinquième ou au dixième tome, il n’achète pas la suite. L’abandon d’une série au milieu de sa lecture se produit plus souvent qu’on le pense. Dans cette situation, l’écrivain aura bénéficié de l’effet «série» pendant une durée limitée. Ici, le bouche à oreille oscille entre nuisible et bénéfique puisque si certains se laissent convaincre de ne pas se lancer dans cette lecture qui a finalement déçu, d’autres voudront se faire leur propre idée.

  La troisième possibilité: Le lecteur aime le premier tome, mais pas au point de se procurer les autres; il préfère les emprunter, quitte à devoir attendre un certain temps avant de pouvoir les lire. De toute façon, il faut bien, ensuite, attendre le tome suivant alors quelques mois de plus ou de moins… Ce lecteur-là, souvent, achète le dernier tome dès sa sortie, justement parce qu’il a hâte de connaître la fin et que, cette fois-ci, il ne veut pas attendre. Plusieurs écrivains de série vous diront que le premier et le dernier tome sont les deux meilleurs vendeurs de la série.

  Et enfin, la quatrième possibilité, et la moins intéressante pour l’écrivain : le lecteur qui, dès le premier tome, n’aime pas. C’est ce lecteur qui a l’influence la plus néfaste sur les revenus puisque c’est un lecteur qui n’achètera rien de cet écrivain  pendant plusieurs années. C’est dans cette catégorie, je pense, que se situe la plus grande différence entre l’écrivain de livres uniques et celui de série puisque le premier a, à chaque nouvelle parution, une chance supplémentaire d’être apprécié du lecteur qui n’a pas été conquis par ses oeuvres précédentes. Il propose une histoire différente, de nouveaux personnages, un univers renouvelé, alors que l’écrivain de série revient avec la même base. Inutile de vous dire que, dans le cas du lecteur qui déteste, le bouche à oreille n’est pas souhaitable… ;)

  Si ce qui précède concerne les lecteurs, il y a aussi deux autres facteurs qui influencent les revenus différemment pour un écrivain de série par rapport à un écrivain de livre unique. Il s'agit de la disponibilité en librairie et de la vente de droits.

  La disponibilité : Si les premiers tomes ne se vendent pas suffisamment au goût des libraires, ces derniers prendront vite l’habitude, au sortir d’un nouveau tome, de ne commander que le nouveau justement. Or, n’importe quel écrivain de série vous dira qu’il est très important d’avoir toujours, en compagnie du p’tit dernier, au moins le premier de la série. Je ne connais pas grand monde qui commence une série qu’il ne connaît pas par le tome 3 ou le 6. Pour découvrir, ça prend le premier absolument. Un livre unique, quant à lui, n’a pas besoin des autres livres d’un même auteur pour qu’on s’intéresse à lui. Toutefois, ici aussi l’inconvénient peut-être un avantage. Quand une série se vend bien, elle sera disponible dans son intégralité à chaque nouvelle parution, permettant des ventes doubles, triples, voire quadruple.

  La vente de droit : Les avantages monétaires sont aussi appréciables lorsque l’éditeur arrive à vendre les droits à l’étranger ou à Québec Loisirs, par exemple. Dans les deux cas, c’est la série en entier qui sera achetée, pas juste le premier tome. Il s'agit d'une promesse de revenus à long terme, ici aussi, tant que la série entière est disponible, évidemment.

2 commentaires:

  1. J'en prends bonne note! C'est une analyse intéressante avec plusieurs réponses à des questions qu'on se pose en tant qu'auteur!

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  2. J'adore ce billet... Il me fait vraiment réfléchir car je suis dans ce dilemme en ce moment, écrire une série ou un livre unique... Difficile de choisir, les deux présentent des avantages mais aussi des inconvénients... J'ai l'impression que plus la série est longue, plus les ventes diminuent au fil des tomes... est-ce que je me trompe?

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