vendredi 8 novembre 2013

Qui renonce à sa part de profits quand les grandes surfaces vendent les livres au rabais?


Je me suis servi d’un commentaire ramassé sur FB et repris à quelques reprises comme point de départ pour mon billet d'aujourd'hui :

 « Scénario réel: Un éditeur calcule ses coûts, évalue sa marge de profit et son potentiel de vente et décide qu'un livre va se vendre 20 piastres. Costco ou Walmart arrive et dit: je t'en achète 2000, à condition que tu me fasses une remise de 5 piastres par tête de pipe. Costco préserve sa marge de profit en offrant pas vraiment le même service qu'une librairie, l'éditeur rogne un peu sa marge de profit à lui en échange d'une grosse vente d'une shotte. » dixit un écrivain de renom.

Premièrement, ce scénario est-il vraiment réaliste?

Il faut savoir qu'habituellement, la distribution des revenus d'un livre en librairie se fait comme suit: 

10 % pour l’auteur
17 % pour le distributeur
33 % pour l’éditeur
40 % pour le libraire

Sur un livre à 20$, l'argent se découpe donc comme ceci:

2.00 $ pour l'auteur
3.40 $ pour le distributeur
6.60 $ pour l'éditeur
8.00 $ pour le libraire

À la lumière de ces chiffres, on ne voit pas comment un éditeur accepterait de perdre 5$ alors que sa part de tarte n'est que de 6.60$. Avec ce 6.60$ par livre, ne l’oublions pas, l'éditeur doit également payer l’imprimeur, la direction littéraire, la révision linguistique, la correction d’épreuves, le graphiste, la promo et j’en passe. Une telle remise ne s’appellerait pas rogner un peu sa marge de profit, ça s’appellerait du suicide professionnel.

Puisque, dans mon dernier billet, j’ai expliqué que la majorité des auteurs ne voient pas leurs revenus fluctuer au gré des réductions, il est logique de se demander aujourd'hui qui, des autres maillons de la chaîne du livre, perd de l'argent quand le livre est offert à 25 % ou 30 % de moins que le prix de détail suggéré. Parce que c’est clair que quelqu’un, quelque part, sacrifie une part de ses profits.

J'ai donc mené ma petite enquête auprès d'éditeurs et de distributeurs et je suis arrivée aux conclusions suivantes:

— La plupart du temps, les grandes surfaces grugent dans leur propre marge de profits, misant sur la quantité de livres vendus plutôt que sur le pourcentage que leur rapporterait chaque vente, d’où leur préférence pour les best-sellers.

— Les grandes surfaces demandent parfois à l’éditeur de payer pour avoir l’exclusivité d’un bout d’allée ou d’un autre emplacement particulier dans le magasin.

— Les grandes surfaces demandent parfois à l’éditeur d’acheter une publicité dans une circulaire ou une revue distribuée par l’entreprise.

Même si on me confirme que les deux pratiques qui suivent existent, on a tenu à préciser qu'il s'agissait de pratiques très marginales.

— Il arrive que les grandes surfaces demandent au distributeur de céder un certain pourcentage de profit.

— Il arrive que les grandes surfaces demandent aussi à l’éditeur de céder un certain pourcentage de profit.

On m'a aussi expliqué que, contrairement à la croyance populaire, Costco achète très rarement des livres sans droit de retour. Il préfère, comme les librairies, pouvoir les retourner au distributeur s’ils ne se vendent pas. Il n’y a donc pas de rabais associé à l’achat massif. Walmart, par contre, utilise parfois cette méthode.


P.s. Dans un prochain billet, je vous expliquerai ce qu'il advient des redevances de l'écrivain dans le cas de liquidation.

3 commentaires:

  1. La situation est clairement expliquée. J'attends la suite :-)

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  2. Ce que vous oubliez de dire, c'est que les librairies, qui ne peuvent faire de telles réductions parce qu'elles n'ont pas les reins assez solides, perdent des ventes à cause des réductions de ces grandes chaînes qui elles, n'engagent personne pour conseiller les livres, les faire connaître et ne gardent aucun livre de fond.

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    1. Je n'ai rien "oublié" de dire. Le but de ce billet n'est pas de marteler qui a tort ou qui a raison, mais bien d'expliquer une situation. Il se raconte beaucoup de choses sur les grandes surfaces et je tenais à clarifier certaines affirmations douteuses. La question des ventes dans les grandes surfaces par rapport aux librairies a déjà été abordée dans les billets suivants: http://myleneetelisabeth.blogspot.ca/2013/10/lacces-au-livre-en-dehors-des-grands.html et http://myleneetelisabeth.blogspot.ca/2013/08/le-livre-prix-unique-deshabiller-pierre.html où la doyenne a expliqué notre point de vue sur cette "perte" de ventes des librairies.

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