lundi 18 novembre 2013

Comment survivre au Salon du livre de Montréal

 La Sorcière me dit qu'en lisant ce billet, elle m'entend parler. Je vais donc faire les choses dans les règles de l'art.

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Avertissement: Le texte qui suit contient quelques mots de vocabulaire grossier. Nous préférons vous en avertir.

Voilà, c'est fait. Oreilles sensibles, s'abstenir.
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Mettons les choses au clair. Un salon du livre, ce n'est pas la place pour vendre des livres. Vous ne me croyez pas? Sachez tout d'abord que pour qu'un auteur soit présent au SLM, il faut qu'il ait publié un livre dans la dernière année. Allez maintenant faire un tour sur le site web du Salon du livre de Montréal et comptez-y le nombre d'écrivains en dédicace. 

Ajoutez à ce nombre tous les livres des années précédentes que les distributeurs et les éditeurs exposent à la vue du public. Multipliez ça par trois, cinq, quinze ou cent exemplaires et ça vous donne une idée du nombre de livres qui attendent les visiteurs du Salon du livre de Montréal. Être convaincu qu'on s'en va au SLM pour vendre des livres, c'est non seulement se préparer à vivre une monumentale déception, mais c'est en plus le meilleur moyen pour souffrir au maximum chaque fois qu'un visiteur passera devant votre kiosque sans s'arrêter.

Je vais vous avouer une chose. À mon premier salon du livre de Montréal, trois semaines après avoir reçu le prix Robert-Cliche, j'ai vendu deux livres. DEUX! Le premier, c'est une lectrice de Pauline Gill qui me l'a acheté. Mon éditeur me faisait signer à côté d'elle pour que je ne trouve pas le temps trop long. À une lectrice qui lui disait qu'elle avait tout lu ce qu'elle avait écrit et lui demandait quand sortirait le prochain roman, Pauline a dit : « Essayez donc celui de la p'tite jeune à côté de moi. » Mon deuxième livre, je l'ai vendu à Noël Audet qui trouvait que je faisais pitié. Deux ventes en six heures de signatures réparties sur deux jours. Une chance, Jean-Yves Soucy, mon directeur littéraire, m'avait avertie dès que j'avais mis les pieds au salon. « Tu n'es pas là pour vendre. Tu es là pour qu'on te voie, pour participer à la grande fête, pour apprendre comment ça marche, pour rencontrer des gens et pour avoir du fun. » Ce fut parmi les meilleurs conseils qu'on m'a donnés de ma vie. 

Onze SLM plus tard (et bien une quarantaine de salons partout en province), je me permets de vous donner mes conseils de salon parce que le monde a changé depuis le temps.

1.     Partez avec l'idée que vous aurez du fun.  Si on part avec l'idée qu'on va avoir du fun, on est souriant. C'est bien connu, les visiteurs n'approchent pas les airs bêtes. Quand on a du fun et qu'on est passionné, les gens le sentent. Et si, l'important pour vous, c'est de jaser avec le monde, juste de jaser, pas de vendre, les gens vont aimer vous parler. Il est fort possible qu'ils n'achètent pas votre livre. Mais c'est pas grave. VOUS N'ÊTES PAS LÀ POUR VENDRE. Ces gens, non seulement ils reviendront peut-être vous voir l'année prochaine, mais ils liront peut-être même votre livre d'ici là. Et de grâce, s'ils vous disent ensuite qu'ils l'ont pris à la bibliothèque, ne faites pas l'insulté. Vous aurez l'air d'un enfant gâté.

2.     C'est vrai qu'il y a des auteurs vendeurs. J'entends ici par vendeur le type de personne qui vendrait un frigidaire à un Esquimau. Le genre vendeur de char. Le problème, c'est que l'écrivain vendeur a du succès à sa première année dans les salons. À sa deuxième, c'est déjà moins fort. À sa troisième année, le public le fuit. Et avec raison. Il n'y a rien de plus détestable que de se faire accrocher par un auteur qui ne nous lâche pas. Avec le temps, on les voit de loin et on fait un détour pour ne pas passer devant leur kiosque. Il est donc inutile d'arriver au salon avec des trucs pour harnacher les visiteurs. Et puis, pensez-y un peu. Si vous vendez 10 livres dans un salon du livre, vous vivez un très gros salon. Mais qu'est-ce que 10 livres sur 1000 livres vendus dans l'année? Si vous avez vendu davantage, vous êtes probablement connu. Mais qu'est-ce que 50 sur 5000? 100 sur 10 000? Rien. Absolument rien. Vous vous démènerez pour rien.

3.     Depuis quelques années, j'ai remarqué que certains employés de certaines maisons d'édition ont pris la détestable habitude de dire aux auteurs combien de livres ils doivent vendre pendant la fin de semaine. Si ça vous arrive, ne paniquez pas. Sachez que vous avez affaire à un trou du cul sur un power trip. S'il vous plaît, envoyez-le chier de ma part et dénoncez-le à son supérieur. Et si son supérieur ne comprend pas le problème, dites-lui de venir me voir. Je me ferai un plaisir de lui expliquer que le S.L. de Montréal, c'est un salon de vedettes. Si vous n'êtes jamais passé à la télé, vous risquez de passer inaperçu au SLM. Et à moins d'avoir gravi les échelons et d'avoir acquis au fil des ans un public fidèle, vous ne signerez peut-être même pas un livre sur les six jours que durent le Salon du livre. Dans ces conditions, il est cruel, voire inhumain, d'exiger d'un auteur quelque vente que ce soit.

4.     Je suis d'avis que la seule pression qu'un écrivain doit se mettre pendant une foire aussi géniale que le Salon du livre de Montréal, c'est de s'assurer de boire un maximum de cafés, de manger un maximum de repas et de prendre un maximum de bières avec le maximum de personnes. Heureusement, depuis trois ans, grâce à Myriam Comtois, mon extraordinaire relationniste, il y a un party Off-Salon le samedi soir du Salon du livre de Montréal. La fête a lieu au Lion d'Or cette année et commence à 21 heures. Ce party est vraiment une bonne place pour commencer votre réseau ou pour l'alimenter. Ou juste pour fêter en bonne et due forme votre présence dans le milieu. Parce qu'au nombre de manuscrits qui sont refusés par les éditeurs chaque année, voir votre livre publié et participer au Salon du livre de Montréal, c'est déjà un TRÈS GRAND SUCCÈS.

En conclusion, je vous dirai que ces conseils s'appliquent à tous les salons du livre du Québec. Et si vous êtes écrivains et que vous n'avez pas publié cette année, voulez-vous bien me dire ce qui vous empêche de venir faire votre tour, tant au salon qu'au party? 


Sur ce, je vous souhaite à tous, lecteurs et/ou écrivains (et éditeurs, il paraît qu'il y en a qui nous lisent), un super salon! Et puisqu'on me répète depuis trois mois que le livre est un objet sacré et qu'il doit être vendu à son juste prix, j'espère que les auteurs et les éditeurs en faveur d'un prix réglementé pour le livre auront le courage de leurs convictions et renonceront à leur 40% de rabais sur les livres achetés presque partout dans le Salon du livre de Montréal.

20 commentaires:

  1. LOL Super billet! Me voilà avertie et bien outillée pour mes salons de l'an prochain!

    T'es pas là pour vendre Isa, t'es pas là pour vendre... Ça commence à rentrer! ;)

    Pour ce qui est d'avoir du fun, ça, je ne suis pas inquiète! ;)

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  2. Faut noter par contre qu'il y a des éditeurs qui mettent de la pression sur les auteurs et qui ne tolèrent pas que l'auteur ait l'air d'être au salon pour avoir du fun.

    Faudrait leur faire lire ton billet! ;)

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    1. Tu peux leur envoyer le lien. Et je leur expliquerai qu'un auteur qui stresse ou qui s'emmerde sur sa chaise fait fuir les visiteurs. Qu'un auteur qui harcèle les visiteurs écoeure tout le monde autour. Seul un auteur de bonne humeur avec un sourire large comme l'océan a des chances de vendre un livre. Pis la bonne humeur, ça ne s'impose pas.

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  3. Auteur-vendeur? Hum, pas remarqué ça, mais par contre, j'essaie toujours d'éviter soigneusement l'allée où sévit Québec Loisirs et ses achalants vendeurs...

    (P.S. Il ne me semble jamais avoir vu de livres à 40% de rabais au Salon du livre de Montréal. Tous les livres que j'ai vu était au prix suggéré par l'éditeur. Ceci dit, tu as peut-être vu des cas que je n'ai pas remarqué. Je ne passe pas mon temps à vérifier les étiquettes non plus...)

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    1. C'est juste les exposants, les auteurs et les éditeurs qui ont droit à ces rabais, très chère. Ce n'est donc pas affiché.

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    2. Oui, mais pas sur tout, non? Ça se limite à la maison d'édition où l'on a publié bien souvent. Et c'est aussi le cas en dehors des Salons du livre: il suffit d'aller les chercher chez l'éditeur.

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    3. Chère Nomadesse, un auteur a généralement 40% sur tous les livres vendus par son distributeur au SLM, au SILQ et en Outaouais. De plus, souvent il aura 20% chez les autres distributeurs. Seuls quelques-uns n'offrent rien aux auteurs. Hachette, pour sa part, offre 40% à tout ce qui porte un cocarde. Faites le calcul.

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    4. Je comprends mieux chère doyenne! Je n'étais pas au courant de cette pratique, mais bon, comme je suis pas auteure, c'est peut-être un peu logique en même temps! :)

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    5. C'est tout à fait logique. ;-)

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    6. Je suis auteure et je ne savais pas ça! Merci pour l'info!
      Et je tâcherai d'avoir du fun le jeudi 23 au kiosque 132! ;o)

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    7. En passant, je sais pas si je suis mal tombée cette année, mais à part chez mon propre distributeur, c'était niet nada pour les rabais pour auteurs!

      Mettons que mon budget de livres achetés au salon a explosé plus vite que prévu!

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    8. J'ai remarqué ça aussi. Il restait Hachette et mon distributeur.

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  4. Comme je me plais à le dire... Pour ma part, aller aux salons du livre c'est comme une cure, un pèlerinage... j'y vais pour rencontrer des amis auteurs, pour y vivre la frénésie, pour m'envelopper de cet aura magique, pour y puiser une source indescriptible d'émotions vives, pour voir les gens, beaucoup de gens... et pour vendre des livres!

    Je parle que si je faisais ça depuis des lunes... et non j'en suis à ma première année de participation (à tous les salons... Trois-Rivières, Québec, Abitibi... et Montréal en fin de semaine).

    Alors, oui, du fun on en aura :)

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    1. Dans ce cas, chère Lucille, je te souhaite bonne chance!

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  5. Très bon billet! Des auteurs-vendeurs, j'en ai connus, et c'est exactement comme tu dis, je fais le détour pour les éviter. Ils ne discutent pas , ils parlent sans arrêt de leur salade. Pu capable!

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  6. je ne suis pas auteur mais qui sait peut être que je vais réussir a ecrire l'histoire de personnages que j'ai en tête. En attendant je dis bravo à ce billet qui sonne juste à mes oreilles et je dis salon du livre me voila, pour de nouvelles decouvertes et des visages que je veux revoir.

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  7. Bonjour la Doyenne! Ravie de t'avoir rencontré au Salon! Au plaisir! :)

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