mardi 2 septembre 2014

La mort le Sir Lancelot

Souvenir de 2009 (photo de Marie-Claude Lapointe)
On devait arriver là. On le savait. Ce fut quand même dur.

Ça faisait deux mois déjà qu'il ne se levait plus, mais comme il marchait une fois debout, on se disait qu'on l'aiderait tant qu'on pourrait. Fallait juste pas s'absenter trop longtemps.

Il y a deux semaines, il a commencé à japper quand je n'étais pas dans la même pièce que lui. Deux petits jappements de détresse. Je le comprends! Tu es sourd. Tu peux pas te lever pis tu vois mal. La solitude nous inquiéterait à moins.

Le samedi soir, il est tombé en marchant. Pendant la nuit, il a pleuré pour qu'on l'aide à se retourner. Le dimanche matin, il n'a pas voulu se lever. Il a fallu de la mangue et des fraises pour le convaincre que le jour était arrivé. On s'est vite aperçu qu'il ne marchait plus.

Le lundi non plus il n'a pas voulu se lever. Ce sont les mangues, encore une fois, qui l'en ont persuadé. Plus tard, je l'ai brossé à la carde, ça lui faisait du bien. Après, avec l'aide de mon chum, on lui a donné un bain. Il ronronnait quand je l'ai essoré avec ses serviettes. Et tout à coup, comme si le bain l'avait épuisé, il s'est couché dans les serviettes mouillées et il s'est endormi.

Le lundi soir, au lieu de se rendre au bar laitier, on a fait venir le bar laitier jusque chez nous. Il a mangé sa crème glacée, reçu de la visite. Des amis et des voisins.

Mardi matin,  j'ai téléphoné chez vétérinaire. Ça faisait longtemps qu'il s'y attendait.

J'ai offert à Lancelot le repas du condamné version canine. Une mangue coupée en morceaux, des fraises de mon jardin et du yogourt maison aromatisé à la confiture. Évidemment, il fallait servir le tout dans de la belle vaisselle pour lui donner l'impression qu'il trichait. J'ai ajouté des bleuets, parce qu'il adorait ça, et un sac de cubes de poumon, la gâterie réservée aux heures de bureau. Il a avalé son repas couché, en mangeant dans ma main parce qu'il ne pouvait plus tenir assis.

À 10 h 30, on a quitté la maison. 

Le reste s'est passé comme dans un rêve. Je me souviens qu'il s'est endormi contre moi, la tête dans ma main, presque doucement. Serein comme s'il était juste fatigué. Mort par surdose de barbiturique, a dit le vétérinaire.

J'ai pleuré longtemps, penchée sur lui. Il était lourd comme toutes ces fois où il faisait la roche parce qu'il ne voulait pas se lever. Il était encore chaud, comme quand il dormait. Ne manquait que sa respiration, rendue haletante par les médicaments.

Il aurait eu 12 ans dans trois semaines.

p.s. Je l'ai fait incinérer et je vais l'enterrer dans le jardin, au milieu des plants de fraises. Il en a tellement volé dans sa vie!

7 commentaires:

  1. Paix à Sir Lancelot. Qu'il gambade joyeusement au ciel en dévorant des fraises et des mangues.

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  2. Bon, c'est ça, ton billet me fait plus pleurer que tes romans.
    Me rappelle trop mes chiens.

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  3. Très émue par ce billet... J'ai perdu un de mes chats il y a moins de trois mois, Montcalm. Quel vide il laisse en partant ! Lancelot a reçu beaucoup d'amour, c'est certain. Cela transparaît dans tes mots.

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  4. Doses égales d'admiration et de condoléances, chère Mylène. Ton texte est touchant. Je devine que Lancelot l'était tout autant. Il est au paradis des bons chiens. Chanceux d'avoir une amie qui se souvient.

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  5. Un animal est fait parti de notre famille. Il en est un membre à part entière.
    Ton billet m'a beaucoup ému parce que mes chats sont tellement important dans ma vie. Même si m'a Mimi est très en forme pour un chat de 15ans, je sais qu'un jour elle va s'éteindre.
    Je suis sur qu'il a vécu une très belle vie ce Sir Lancelot :)

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  6. Il y a des animaux dont on pleure la mort plus que si c'était des membres de la famille... sans doute parce que, au fond, ce sont des membres de la famille. Dommage pour ton fidèle complice. Loyal comme il était, j'suis sûre que son esprit veille sur toi maintenant.

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  7. Notre deuxième bébé arrivera en octobre et on ne cesse de dire qu'on aura six créatures vivantes dans la maison. Nos deux chats ne sont pas des enfants, évidemment, mais ils sont une partie de ce qui forme notre chez-nous. Ils nous rappellent à tous les jours que nous sommes capables de vivre avec des êtres différents de nous, de communiquer avec eux, de les aimer. Il me semble que dans un monde sans cesse divisé par des guerres et du racisme, c'est une chose essentielle à vivre au quotidien pour s'ouvrir le coeur sans cesse.

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