jeudi 31 janvier 2013

C’est quoi une vraie job?


Je suis membre de deux conseils d’administration (de façon bénévole). Depuis deux jours, j’ai épluché, pour l’un d’eux, je ne sais plus combien de CV dans le but de remplacer une coordonnatrice. Loin de moi l’idée de vous faire un résumé de tout ce que j’ai lu, mais je peux vous dire que jamais je n’aurais cru que l’exercice puisse être aussi «divertissant» ni qu’il puisse receler autant de surprises. Pourquoi je vous en glisse un mot? Parce que ces lectures m’ont aussi rappelé que la notion de métier n’est pas la même pour tous. Et c’est de là que me vient le titre de ce billet.

Retour en arrière, pour mieux comprendre. Dès la naissance de ma fille, à la fin du siècle dernier (avouez que ça fait bizarre de dire ça!!!! ), c’était clair que j’allais rester à la maison avec mes enfants jusqu’à ce qu’ils entrent à l’école.  Jusque là, j’acceptais très bien le fait que je n’avais pas, aux yeux de la société, ce qu’on appelle une vraie job; j’étais une femme au foyer. Je n’avais pas de problème avec ça, c’était mon choix, bien que ça ne fasse pas l’affaire de tout le monde. La vie a voulu que j’aie ensuite eu un 2e enfant avec des ennuis de santé importants, reléguant aux oubliettes ma volonté d’intégrer le marché du travail dans un avenir plus ou moins rapproché. Qu’à cela ne tienne, j’ai décidé de reprendre la rédaction d’un roman commencé un peu avant la venue de ma fille. Je me disais que c’était l’arrangement parfait. En travaillant à la maison, je pourrais ajuster mes horaires d’écriture en fonction des nombreux rendez-vous chez la panoplie de spécialistes qui s'occupaient de mon fils et, si j’étais publiée, j’aurais une source de revenus – probablement maigre, j’en conviens, mais un revenu quand même.


Quand Filles de Lune s’est retrouvé sur les tablettes pour la première fois, en 2008, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. J’étais consciente qu’une publication, aussi extraordinaire soit-elle comme réalisation, ne voulait pas dire que je gagnerais un jour ma vie en tant que romancière. Loin de là. Mais ça ne m’empêchait pas de l’espérer, de même que tout le monde autour de moi. J’aimais ce que je faisais et je n’avais pas vraiment envie de tenter ma chance dans un autre domaine, même connexe.


Pendant les trois premières années, à travers les félicitations pour ma présence en librairie, les questions sur le prochain bouquin et toutes celles se rapportant à l’écriture en tant que telle, une interrogation s’est démarquée davantage, avant tout parce qu’elle m’a étonnée. Ça ressemblait à ceci : «Penses-tu retourner travailler POUR DE VRAI un jour?» La première fois qu’on m’a balancé ça, j’avoue que j’ai écarquillé les yeux, l’air de dire «Pouvez répéter la question?» parce que je n’étais vraiment pas certaine d’avoir envie de comprendre ce qu’elle sous-entendait. J’ai d’ailleurs préféré m’abstenir de répondre. Puis, comme la question est revenue à intervalle régulier, j’ai fini par demander aux gens de préciser leur pensée. Honnêtement, en entendant les réponses, je me suis dit que j’aurais mieux fait de rester dans l’ignorance. Voici un échantillon :


–Écrire, c’est pas un travail, c’est un loisir (ou un passe-temps).

–J’ai toujours pensé qu’écrire, c’était pour les gens à la retraite.

–Quand on n’a pas besoin de sortir de chez soi, pis qu’on n’est pas obligé d’écrire si on n’en a pas envie, c’est pas vraiment une job, non?

–Raconter des histoires, c’est pas un travail!  Tout le monde peut faire ça!

–Je pensais que c’était un à-côté en attendant que ton fils aille mieux. (Comprendre : tant que t’as une bonne raison de ne pas aller travailler à l’extérieur, c’est correct. Mais après, faudra bien que tu fasses comme tout le monde.)

–C’est un métier ça, écrivaine? Y’en a qui font ça pour gagner leur vie?

–Tous ceux que je connais qui écrivent ont aussi une vraie job…

–Tu tripes sur ce que tu fais… C’est pas une vrai job, ça! Une vraie job, on n’aime pas ça…


Je fais partie de ceux pour qui l’écriture est vite devenue un gagne-pain appréciable. Je me suis alors dit, dans ma grande naïveté, que le fait que je vende assez de livres pour vivre de l’écriture donnerait du poids à ma prétention d’être romancière à temps plein. Et que je pourrais l’écrire tel quel dans la p’tite case prévue à cet effet dans différents formulaires de la paperasserie quotidienne sans passer pour une extraterrestre. Après tout, si je suis payée pour écrire, ça devient une vraie job, non? Eh bien, non! Étonnamment, les gens ont simplement transformé leur question récurrente en diverses remarques plus ou moins étranges, du genre de : «Ouais, tu peux en vivre, mais avoue que c’est quand même pas une vraie job écrire des histoires pis parler avec du monde dans des Salons du livre…»


Décidément, j’ai vraiment choisi un métier qui fait jaser… ;) 


 Mot de la doyenne: Je suis d'avis qu'il y a beaucoup de jalousie dans les commentaires qu'on sert à l'écrivain de métier. Parce que l'écrivain, contrairement à beaucoup d'autres, aime sa job. Il tripe dans son monde, y consacre tout son temps et toutes ses énergies et ne souffre pas le moins du monde quand il doit se lever pour travailler. Et comme il n'y a jamais plus jaloux que les gens avec qui on vit depuis longtemps, je dirais que ce sont souvent nos proches qui nous servent ce genre de commentaires. Ils pensaient qu'on allait mener le même genre de vie qu'eux. Quelle déception de voir qu'on aime ce qu'on fait! Ce n'est pas la norme dans notre société. Et je dirais que la situation s'aggrave quand arrive le succès. Mais on ne va pas arrêter d'écrire pour se conformer, n'est-ce pas? Surtout que nos lecteurs se montrent souvent beaucoup plus compréhensifs. Ils aiment nos livres et veulent qu'on en écrive d'autres. Elle est là, notre paye!



mardi 22 janvier 2013

Conversation en public


Je vous ai promis de vous expliquer pourquoi il vaut mieux vous faire un résumé de nos conversations de Thé Chaï plutôt qu'une transcription. Alors voici, juste pour vous donner une petite idée, une conversation que la sorcière et moi avons eue dans une file où nous attendions pour nous inscrire à un cours de yoga.

Mise en situation : La sorcière et moi nous questionnons depuis quelque temps. Nous écrivons des romans où on retrouve régulièrement des scènes érotiques. Certaines lectrices aiment ça, d'autres, pas du tout. Nous nous sommes donc interrogées sur la pertinence de ce genre de scène dans nos romans. Surtout que nous n'écrivons pas du tout le même genre de romans. Après des heures de discussion, nous sommes arrivées à la conclusion que puisque le sexe fait partie de la vie, nous n'allions pas nous priver d'en parler.

Nous étions donc rendues à nous demander quelle différence il y a entre l'érotisme et la pornographie. Il est 17 h 30. Nous sommes en avance, mais la file est déjà longue dans le couloir du centre de loisirs. Nous reprenons notre conversation là où nous l'avons laissée dans le pick-up de la sorcière.

Moi : J'ai trouvé dans mes affaires un vieux numéro de la revue Le Point qui présente les textes fondamentaux de l'érotisme.

La sorcière : Ah, oui? Tu me la prêteras.

Moi : Je l'ai feuilletée et la plupart des textes se trouvent déjà dans un autre livre que je t'ai prêté, Les plus beaux textes érotiques de la littérature française. Il y a entre autres ce texte d'Alfred de Musset dont le personnage principal s'appelle Fanny.

La sorcière : Je ne le connais pas étant donné que je n'ai pas encore eu le temps de lire ce livre-là. J'ai toute une tablette de bibliothèque de livres à toi. Il doit être quelque part au milieu.

Moi : En tout cas, l'introduction de la revue est vraiment intéressante. C'est une femme qui l'a écrite et elle explique la différence entre pornographie et érotisme.

La sorcière : Comment est-ce qu'elle voit ça?

(Je vous rappelle ici que nous sommes en ligne et entourées d'inconnus, des adultes et des enfants. Ce qui ne nous gêne nullement.)

Moi : Elle dit que dans l'érotisme, il faut qu'on sente les doutes, les peurs, les désirs et les frustrations des personnages, ce qui, d'après elle, est toujours absent de la pornographie.

La sorcière : Ça voudrait dire que dans la porno, il y a juste le biologique, la mécanique.

Moi : D'après elle, oui. Elle cite en exemple le marquis de Sade.

La sorcière : Justement, je me demandais si tu avais un livre de Sade.

Moi : Non. Mais il y a un extrait de La nouvelle Justine dans la revue. Tu savais qu'après avoir baisé ses victimes, il les bouffe? Ouache!

La sorcière : Faudra que je me fasse des photocopies.

Moi : C'est déjà fait.

La sorcière : T'es donc bien efficace! (Ben, non! Elle ne m'a pas fait ce compliment, mais ça me fait plaisir de l'écrire ici.)

La sorcière : Je viens de finir un roman érotique et je me questionne. Il n'y avait pas d'histoire en arrière, c'était juste du cul pour du cul.

Moi : Je pense que c'est typique dans la littérature érotique.

La sorcière : Et puis il y a un détail qui me chicote. Je sais que t'as fait des recherches historiques pour tes romans pis me semble que tu disais que les femmes ne portaient pas de petites culottes au  17e siècle? Pourtant il y avait toute une scène où le gars se servait de ça…

Moi : Les femmes ne portaient même pas de sous-vêtement au 17e siècle. Elles allaient nues fesses sous leurs grandes robes à paniers. Dans le film Rob Roy, il y a une scène où Jessica Lange va faire pipi dans la rivière. On la voit s'accroupir et uriner direct, sans rien enlever. Elle fait juste retrousser sa robe.

La sorcière : Tu me le prêteras si tu l'as.

Moi : Je l'ai.

La sorcière : T'as toujours tout. (Ça non plus elle ne l'a pas dit, mais c'est vrai.)

Moi : J'ai vu l'an passé une super exposition sur l'histoire des sous-vêtements. C'était au musée McCord.

Un inconnu debout devant nous : Elle est en ligne, cette exposition. Vous n'avez qu'à taper le musée McCord dans Google. Toutes leurs expositions sont sur Internet.

La sorcière (surprise de voir quelqu'un intervenir dans notre conversation) : Comment vous savez ça?

Lui : Je suis un expert en muséologie.

Moi (consciente qu'on a l'air cinglé de tenir cette conversation dans une file d'attente) : Vous savez, on est des écrivaines…

Lui : Ah, oui? Je pensais que vous étiez des profs.

Inutile de dire qu'on a eu de la misère, la sorcière et moi, à retrouver le fil de nos pensées. Mais, croyez-le ou non, quand ce fut notre tour au kiosque d'inscription, on était déjà arrivées à notre conclusion : ce n'est pas de la littérature érotique qu'on écrit, même si on utilise l'érotisme dans la vie de nos personnages. Comme dans la vraie vie.

Note de la sorcière : C’est pour ça que j’aime ça avoir une doyenne comme meilleure amie; elle a toujours tout ce que j’ai besoin à portée de la main… ;) 

mercredi 16 janvier 2013

Le désir d'être un personnage de roman

En ouvrant FB, la semaine dernière, je suis tombée sur ça, et je n'ai pu m'empêcher de sourire tout en levant les yeux au ciel. Quand un écrivain pense à offrir un "rôle" dans son prochain bouquin comme récompense, c'est parce qu'il a compris à quel point le rêve d'inspirer un personnage de roman est non seulement un désir quasi universel chez l'être humain, mais aussi un puissant motivateur. 

Depuis que les gens savent que j'écris - encore plus depuis que je suis publiée - je ne compte plus les fois où l'on m'a raconté une anecdote, une tranche de vie, un voyage ou une mésaventure, dans l'espoir que ce récit produise chez moi un déclic et que je m'exclame, pour le plus grand bonheur du conteur:

 -Oh, c'est tellement (insérer le qualificatif approprié)! J'peux m'en servir dans mon prochain bouquin?
 -Certain! J'étais sûr que tu pourrais pas passer à côté d'une histoire pareille!
 Cette réplique s'accompagnerait évidemment d'un sourire radieux et d'un regard plein d'espoir qui me feraient ajouter, débordante d'enthousiasme :
 -Je pourrais même faire de toi le personnage principal... Tu ferais tellement un beau héros! 

Dans un monde idéal, c'est ce dont aurait l'air la conversation. Toutefois, dans mon univers, c'est un peu différent! Chers conteurs et conteuses animés par ce rêve d'être immortalisés sur papier, je suis obligée de vous dire que mon imagination est rarement stimulée, intéressée ou impressionnée sur demande. Pas que vous soyez banals et sans intérêt, mais ma créativité a sa façon bien à elle de modeler des personnages. Je vous explique quelques petites choses pour que vous compreniez mieux comment ça se passe.

Le plus souvent, je crée des personnages comme mon fils joue aux Legos, c'est à dire en réunissant une série de "morceaux" d'origines diverses pour les réassembler sous une forme qui me plaît davantage. Je peux donc prendre la coupe et la couleur de cheveux de ma tante Ursule, les grands pieds de mon p'tit frère, les  jambes arquées d'une femme croisée à la pharmacie, les oreilles en pointe d'un commis avec qui j'ai travaillé chez IGA y'a 18 ans pis mes propres taches de rousseur pour donner vie à un personnage. De ce point de vue, vous comprenez que les possibilités sont infinies. Difficile ensuite de dire à qui que ce soit que je me suis inspirée de lui ou elle en particulier! 

Alors que les Legos n'offrent que des possibilités physiques d'assemblage, mes personnages me permettent d'aller beaucoup plus loin. Tout, mais absolument tout ce qui caractérise l'être humain est décortiqué pour être réaménagé à ma convenance. Inlassablement, mon cerveau emmagasine ce qui se passe autour de moi avec une efficacité qui ne cesse de me surprendre. Tout ce qui se dit, se voit, s'entend ou se sous-entend est conservé dans le but de m'être remémoré, consciemment ou non, au moment où j'en aurai besoin pour dimensionner un personnage quelconque. Ce qui veut dire que je peux utiliser ce que j'ai "enregistré" hier comme ce qui le fut il y a deux, dix ou même vingt ans et qu'il y a de fortes chances que je me souvienne davantage d'un comportement particulier, d'une mimique, d'une expression ou d'un trait caractère, dans une situation X, que de la personne de qui ça émanait. Pour moi, le principal, c'est que je puisse le transmettre à mon personnage avec crédibilité. L'origine m'importe peu. 

Si j'utilise un personnage "pré-assemblé"- c'est-à-dire majoritairement inspiré d'un individu en particulier-, j'ai deux façons de faire. Dans le cas des personnages inoffensifs - lire ici: héros, personnages que tout le monde aime ou qui n'ont pas de défauts marquants ni de terribles secrets -, j'en touche simplement un mot à la personne qui m'a inspirée. Donc si un jour vous avez cette "chance", ne vous en faites pas, vous le saurez! Par contre, si je garde le silence, ce qui m'arrive le plus souvent, c'est que vous ne souhaitez pas savoir que vous avez servi de "modèle de base". Pourquoi? Parce vous avez réussi à marquer mon imaginaire, mais sûrement pas pour les raisons que vous espériez. Tenez-vous vraiment à ce que je vous annonce que la soeur névrosée, la voisine gossante, la mère braillarde et immature, le mari psychopathe, l'oncle misogyne ou la patronne aux comportements sexuels déviants, c'est vous? Mon p'tit doigt me dit que vous n'avez pas envie de l'entendre. 

En terminant, sachez que l'écriture de romans est un excellent exutoire pour mes frustrations de toutes sortes. Un exemple? Si, à un moment donné, je vous ai détesté, voire haï, il est bien possible que vous finissiez vos jours assassiné ou torturé dans un bouquin, horrible description de la scène à l'appui. Mais soyez rassuré, ça n'ont plus, je ne vous le dirai pas...

mercredi 9 janvier 2013

L'art de l'entrevue


Tout écrivain qui se respecte s'assure de ne pas dire de niaiseries quand il écrit. Et le meilleur moyen d'y arriver, selon moi, c'est de faire de la recherche. Quand j'écrivais du roman historique, je passais des mois à lire des essais, des journaux personnels de même que la correspondance de gens ayant vécu les événements dont je voulais parler. Depuis que j'écris du roman contemporain, je privilégie l'entrevue.

Avant de rédiger la première ligne de Yukonnaise, j'ai interrogé une cinquantaine de personnes vivant au Yukon. Je ne savais pas vraiment ce que je cherchais. À ceux qui me posaient la question, je répondais que je voulais trouver l'esprit yukonnais. Et quand un journaliste de Dawson m'a demandé ce qu'était l'esprit yukonnais, j'ai répondu que je ne le savais pas, mais que j'étais capable de le reconnaître quand je le voyais. Je voguais donc au gré du vent avec des réponses aussi floues que mes questions. Ce n'était pas grave; le roman n'était pas encore écrit, et j'avais toutes les possibilités devant moi.

En novembre, j'ai commencé un nouveau roman avec, comme personnage principal, une femme qui possède un supermarché. J'ai beau faire mon épicerie toute seule depuis l'âge de 17 ans, je me suis rendu compte à la page cinquante qu'il me fallait de l'information supplémentaire. Pour cette raison, j'ai pris rendez-vous avec le propriétaire d'un supermarché de mon quartier, le magasin Alimentation Stéphane Tremblay, qui opère sous la bannière Provigo, sur King Est, entre la 11e et la 12e Avenue.

D'entrée de jeu, j'ai servi à M. Tremblay le même avertissement que j'avais servi aux Yukonnais : Me parler, c'est comme parler à la police. Tout ce que vous me direz pourrait se retrouver dans le roman. Donc, si vous ne voulez pas que je diffuse une information, prière de la garder pour vous. J'ai tout de suite compris qu'il y avait un monde entre interviewer un Yukonnais et interviewer un homme d'affaires.

Première différence : M. Tremblay était pile à l'heure. (Mes amis du Grand-Nord possèdent un sens du temps qui diffère de celui des gens du Sud, je l'ai appris à mes dépens). Avec M. Tremblay, donc, pas de Yukon Time. Le rendez-vous est à 14 heures, on commence à 14 heures. Et même si j'ai horreur de porter une montre, je l'enfile chaque fois que je fais une entrevue, histoire de ne pas abuser du temps qu'on m'accorde si généreusement. Avec M. Tremblay, j'avais ma montre et je peux vous jurer qu'à 15 heures, je retraversais le parc en direction de chez moi.

Deuxième différence : Si les Yukonnais ne savent pas trop ce qui les distingue du reste du monde, mon épicier, lui, sait très bien ce qu'il est : un marchand-propriétaire. Je lui ai donc demandé ce qu'un marchand-propriétaire mangeait en hiver, et pendant toute l'heure qui a suivi, il a donné des réponses précises à mes questions floues. Et sans qu'il s'en rende compte, j'ai eu droit à beaucoup plus. Voyez-vous, comme dans toute entrevue, ce qui s'avère le plus important arrive souvent par accident. Le non-verbal, une digression, un commentaire qui, sur le coup, a l'air de ne rimer à rien. 

Je suis repartie avec une foule d'informations... qui me permettront de réécrire les cinquante premières pages de mon nouveau roman. Parce que, évidemment, j'étais dans le champ avec mon personnage. Et pour arriver à convaincre M. Tremblay que ledit personnage va prendre un mois de congé pour aller en voyage, il va falloir que je trime fort. Il paraît que dans ce milieu-là, les vacances sont rares et rarement longues. Regardez-moi bien aller, M. Tremblay, je vais vous broder quelque chose de convaincant. Promis, juré.

mardi 1 janvier 2013

Invitation à prendre le thé en différé


Depuis quelques années déjà, la sorcière et moi nous rencontrons dans un café du centre-ville de Sherbrooke une fois par semaine pour jaser de la vie, de nos lectures, d'écriture et des liens qui existent entre tout ça. En tant que travailleuses autonomes ayant comme bureau chacune un coin de sa maison, il nous paraissait essentiel de changer d'environnement de temps en temps, et de voir du monde nouveau.

Nous avons appelé ces rendez-vous Thé chaï, du nom d'un thé au menu du Bla-bla. Sachez cependant que nous ne nous limitons pas au thé. Nous avons d'ailleurs fréquenté au fil des ans bon nombre de restos, de cafés et de micro-brasseries. Et si nous avons nos favoris, nous aimons aussi les expériences nouvelles.

Avec le temps, nos rencontres ont fait des jaloux. Des gens nous ont demandé s'ils pouvaient se joindre à nous. Comme nous tenions à préserver notre dynamique, notre candeur et notre liberté d'expression (Il nous arrive d'être crues entre nous, ce que nous évitons en public…), il nous est venu à l'esprit qu'il était possible de partager avec d'autres personnes le fruit de nos réflexions sans influencer la manière dont lesdites réflexions jaillissaient du néant.

Alors ceci est un test. Pendant une année, une fois par semaine, nous comptons publier sur cette page quelques paragraphes concernant ces petits détails qui font l'amitié, l'amour, la vie de famille, de couple ou la vie tout court et qui, tout naturellement, servent de matière première à l'écriture. Il s'agira, au mieux d'une sorte de résumé de nos trois heures de conversation hebdomadaire, au pire de conclusions nouvelles.

Si vous avez envie de voir comment deux écrivaines refont le monde quand elles jasent seules dans un café, libre à vous de nous épier par le biais de ce blogue et de joindre la conversation quand bon vous semble. Et bonne année 2013 en notre compagnie!