Roman de Frédérick Durand inscrit au catalogue 2015 des Six brumes |
On
l'a appris récemment, le distributeur Prologue a rompu unilatéralement son
contrat avec l'éditeur les Six brumes. Cette nouvelle, sortie via Facebook, a
eu l'effet d'un tremblement de terre dans le milieu de la SF québécoise.
C'est
que, voyez-vous, les Six brumes, c'est un peu le club-école de la science-fiction,
de la fantasy, du fantastique et de l'horreur québécois. Dans la littérature de
l'imaginaire, comme chez les Hell's Angels ou chez le Canadien, c'est dans un
club-école que les auteurs débutants font leurs armes, apprennent les rudiments
du métier et les difficultés du milieu. C'est là aussi qu'ils découvrent la
réalité littéraire québécoise et reçoivent des chiffres de vente pour la
première fois. Vous savez, ces chiffres qui tuent quand on apprend, un an après
la sortie de notre premier roman, qu'on a vendu 80 livres et que les redevances
totaliseront environ 100$. C'est de ce genre de réalité dont je parle.
La perte de leur distributeur signifie qu'à
moins d'une entente particulière avec un libraire, les livres des Six brumes ne
seront plus disponibles dans les librairies à travers le Québec. Un coup dur
pour une maison d'édition de cette taille. Mais cette petite taille, justement,
c'est ce qui pourrait sauver les Six brumes.
Petite
maison d'édition à saveur artisanale, les Six brumes comptent deux éditeurs: Guillaume Houle et Jonathan Reynolds. François Pierre Bernier agit à titre de directeur artistique et spécialiste du numérique. Ce sont des tripeux qui ne
publient pas des livres pour faire de l'argent, ils publient pour le plaisir de
produire des livres qu'ils ont envie de lire et de partager avec d'autres
tripeux comme eux.
Ils
n'ont pas de loyer à payer pour la maison d'édition puisque le travail se fait
chez l'un d'entre eux. Pas de frais d'entrepôt puisque les livres sont
entreposés chez l'un d'eux. Pas de frais fixes non plus (électricité, chauffage,
internet, alouette!), pas d'employés permanents, pas d'avantages sociaux à verser auxdits
employés, etc. Ça leur permet, comme on
dit, de se retourner sur un 10 cents et de voir la publication de livres de
manière non traditionnelle.
Je
jasais avec Guillaume l'autre vendredi, dans sa cuisine. Il me décrivait à peu
près ainsi sa vision de l'édition à petite échelle. (Je paraphrase parce que je
n'ai pas pris de notes) « Je suis un
peu comme ces éditeurs du XIXe siècle qui utilisaient le sociofinancement pour
publier leurs livres parce qu'ils n'avaient pas assez d'argent pour la production. »
(Ici, j'ai pensé à Victor-Lévy Beaulieu et à son livre sur Nietzsche, pour
lequel il a ramassé de l'argent pendant deux ans.)
Les éditeurs des Six brumes disent aux gens: « Vous
voulez lire ce livre, payez-le tout de suite et on vous l'envoie dès qu'il est
imprimé. »
Et ça marche! Les gens consultent le catalogue
des oeuvres à venir et achètent sur le site des Six brumes. L'argent amassé est
investi directement dans la production des livres promis. Avec le temps, les lecteurs lisent tel auteur
de la maison, puis tel autre, puis tel autre dans le même genre.
J'ai trouvé un effet semblable dans cet article sur les livres
français.
L'éditeur de Tristram y dit: « En fait, nous nous sommes très vite aperçus
que, par capillarité, nos lecteurs pouvaient passer d'un auteur à un autre.
L'effet de catalogue fonctionnait. Nous étions parvenus à forcer la curiosité. »
Cet
article, j'y reviendrai dans un autre billet. Mais l'important, c'est de noter la
ressemblance entre la vision du monde des éditeurs des Six brumes et celle des éditeurs
de Tristram:
« Certains (jeunes écrivains) ne croient
pas les résultats des ventes, pensant que l'éditeur truque les chiffres pour ne
pas payer les droits. Nous, on est pédagogue. On empêche les gens de rêver.
Direct. On explique que l'on va faire tout est ce qui est humainement possible
pour défendre les projets d'édition, que personne n'est à l'abri d'un succès
d'estime, mais qu'il est raisonnable de s'attendre à une catastrophe. »
ON EST PÉDAGOGUE.
Toute l'essence de ces deux maisons d'édition tient dans ces trois mots.
Et c'est pour cette raison qu'il est important de faire connaître le catalogue
des Six brumes aux tripeux insatisfaits. Car ce n'est pas un secret, des ados
qui aiment la science-fiction, l'horreur, le fantastique, il en pleut. Mais ces
jeunes, qui n'ont rien à se mettre sous la dent, se détournent souvent de la
lecture parce qu'on leur donne à lire que des romans qui en les intéressent
pas.
Je profite donc de ce billet pour vous dire que les
Six brumes sont présentement en campagne de sociofinancement en vue de publier
leurs livres d'automne. À ce jour, c'est plus de 90% de la somme nécessaire qui
a été amassée, ce qui signifie que les livres prévus pour l'automne verront le
jour.
Dans le contexte actuel, où les ventes de livres baissent partout dans le monde, l'avenir appartient à ceux qui savent s'adapter, quitte à faire les choses autrement.
Pour jeter un oeil à leur catalogue 2015, c'est ici: http://www.sixbrumes.com/legion/projects/catalogue2015/
Dans le contexte actuel, où les ventes de livres baissent partout dans le monde, l'avenir appartient à ceux qui savent s'adapter, quitte à faire les choses autrement.
Pour jeter un oeil à leur catalogue 2015, c'est ici: http://www.sixbrumes.com/legion/projects/catalogue2015/
La
prévente se termine à la fin de la semaine prochaine.
Bonne
lecture!
Oh que j'aime ton billet! C'est une maison d'édition qui publie de supers bons livres, avec une telle qualité d'impression en plus! J'adore et je les encourage de plusieurs façons. Je leur souhaite longue vie!
RépondreSupprimerC'est vraiment gentil de prendre le temps de dire un mot sur les Brumes! :) On est une gang à porter la maison d'édition à bout de bras, mais c'est vraiment dur de la faire sortir de l'ombre (ou du brouillard?). Avec la perte du distributeur, mettons que c'est vraiment un coup dur.
RépondreSupprimerMerci de parler en bien de cette maison d'édition qui me tient à coeur.
RépondreSupprimerJ'ai acheté l'an passé pour la première fois lors de la prévente Six Brumes et j'ai pas regretté de l'avoir fait. Je suis heureuse d'avoir encore participé cet année :)
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