mercredi 16 janvier 2013

Le désir d'être un personnage de roman

En ouvrant FB, la semaine dernière, je suis tombée sur ça, et je n'ai pu m'empêcher de sourire tout en levant les yeux au ciel. Quand un écrivain pense à offrir un "rôle" dans son prochain bouquin comme récompense, c'est parce qu'il a compris à quel point le rêve d'inspirer un personnage de roman est non seulement un désir quasi universel chez l'être humain, mais aussi un puissant motivateur. 

Depuis que les gens savent que j'écris - encore plus depuis que je suis publiée - je ne compte plus les fois où l'on m'a raconté une anecdote, une tranche de vie, un voyage ou une mésaventure, dans l'espoir que ce récit produise chez moi un déclic et que je m'exclame, pour le plus grand bonheur du conteur:

 -Oh, c'est tellement (insérer le qualificatif approprié)! J'peux m'en servir dans mon prochain bouquin?
 -Certain! J'étais sûr que tu pourrais pas passer à côté d'une histoire pareille!
 Cette réplique s'accompagnerait évidemment d'un sourire radieux et d'un regard plein d'espoir qui me feraient ajouter, débordante d'enthousiasme :
 -Je pourrais même faire de toi le personnage principal... Tu ferais tellement un beau héros! 

Dans un monde idéal, c'est ce dont aurait l'air la conversation. Toutefois, dans mon univers, c'est un peu différent! Chers conteurs et conteuses animés par ce rêve d'être immortalisés sur papier, je suis obligée de vous dire que mon imagination est rarement stimulée, intéressée ou impressionnée sur demande. Pas que vous soyez banals et sans intérêt, mais ma créativité a sa façon bien à elle de modeler des personnages. Je vous explique quelques petites choses pour que vous compreniez mieux comment ça se passe.

Le plus souvent, je crée des personnages comme mon fils joue aux Legos, c'est à dire en réunissant une série de "morceaux" d'origines diverses pour les réassembler sous une forme qui me plaît davantage. Je peux donc prendre la coupe et la couleur de cheveux de ma tante Ursule, les grands pieds de mon p'tit frère, les  jambes arquées d'une femme croisée à la pharmacie, les oreilles en pointe d'un commis avec qui j'ai travaillé chez IGA y'a 18 ans pis mes propres taches de rousseur pour donner vie à un personnage. De ce point de vue, vous comprenez que les possibilités sont infinies. Difficile ensuite de dire à qui que ce soit que je me suis inspirée de lui ou elle en particulier! 

Alors que les Legos n'offrent que des possibilités physiques d'assemblage, mes personnages me permettent d'aller beaucoup plus loin. Tout, mais absolument tout ce qui caractérise l'être humain est décortiqué pour être réaménagé à ma convenance. Inlassablement, mon cerveau emmagasine ce qui se passe autour de moi avec une efficacité qui ne cesse de me surprendre. Tout ce qui se dit, se voit, s'entend ou se sous-entend est conservé dans le but de m'être remémoré, consciemment ou non, au moment où j'en aurai besoin pour dimensionner un personnage quelconque. Ce qui veut dire que je peux utiliser ce que j'ai "enregistré" hier comme ce qui le fut il y a deux, dix ou même vingt ans et qu'il y a de fortes chances que je me souvienne davantage d'un comportement particulier, d'une mimique, d'une expression ou d'un trait caractère, dans une situation X, que de la personne de qui ça émanait. Pour moi, le principal, c'est que je puisse le transmettre à mon personnage avec crédibilité. L'origine m'importe peu. 

Si j'utilise un personnage "pré-assemblé"- c'est-à-dire majoritairement inspiré d'un individu en particulier-, j'ai deux façons de faire. Dans le cas des personnages inoffensifs - lire ici: héros, personnages que tout le monde aime ou qui n'ont pas de défauts marquants ni de terribles secrets -, j'en touche simplement un mot à la personne qui m'a inspirée. Donc si un jour vous avez cette "chance", ne vous en faites pas, vous le saurez! Par contre, si je garde le silence, ce qui m'arrive le plus souvent, c'est que vous ne souhaitez pas savoir que vous avez servi de "modèle de base". Pourquoi? Parce vous avez réussi à marquer mon imaginaire, mais sûrement pas pour les raisons que vous espériez. Tenez-vous vraiment à ce que je vous annonce que la soeur névrosée, la voisine gossante, la mère braillarde et immature, le mari psychopathe, l'oncle misogyne ou la patronne aux comportements sexuels déviants, c'est vous? Mon p'tit doigt me dit que vous n'avez pas envie de l'entendre. 

En terminant, sachez que l'écriture de romans est un excellent exutoire pour mes frustrations de toutes sortes. Un exemple? Si, à un moment donné, je vous ai détesté, voire haï, il est bien possible que vous finissiez vos jours assassiné ou torturé dans un bouquin, horrible description de la scène à l'appui. Mais soyez rassuré, ça n'ont plus, je ne vous le dirai pas...

4 commentaires:

  1. LOLOL! Je me reconnais beaucoup dans ton dernier paragraphe! ;)

    Pour ma part, des amis ou connaissances me servent parfois ouvertement de personnages tertiaires (la fille qui sert le café, le troisième policier sur les lieux, etc).

    Et, exception qui confirme la règle, un ami m'a vraiment raconté dernièrement une anecdote inspirante. ... mais je lui ai pas dit! lol! J'veux pas qu'il me mette de la pression pour que je l'écrive au plus vite! :P

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    1. Le dernier paragraphe parle d'un des plus beaux avantages de la profession!

      Et oui, abstiens-toi de parler concernant l'inspiration de l'ami. On ne sait jamais le genre de moyen de pression qu'il pourrait utiliser!!! ;)

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  2. C'est tellement vrai. Mon conjoint continue, malgré toutes mes mises en garde, de me raconter ses inspirations subites en espérant que j'en ferai quelque chose. Étrangement, les "bonnes histoires" des autres ne m'intéressent pas du tout, qu'ils les écrivent, eux.

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    1. C'est justement parce les «autres» ne sont pas capables - ou ne veulent tout simplement pas - écrire qu'ils se tournent vers nous avec espoir! Dommage qu'on soit si peu receptives... ;)

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