Je vous ai promis
de vous expliquer pourquoi il vaut mieux vous faire un résumé de nos
conversations de Thé Chaï plutôt qu'une transcription. Alors voici, juste pour
vous donner une petite idée, une conversation que la sorcière et moi avons eue
dans une file où nous attendions pour nous inscrire à un cours de yoga.
Mise en situation :
La sorcière et moi nous questionnons depuis quelque temps. Nous écrivons des
romans où on retrouve régulièrement des scènes érotiques. Certaines lectrices
aiment ça, d'autres, pas du tout. Nous nous sommes donc interrogées sur la
pertinence de ce genre de scène dans nos romans. Surtout que nous n'écrivons
pas du tout le même genre de romans. Après des heures de discussion, nous
sommes arrivées à la conclusion que puisque le sexe fait partie de la vie, nous
n'allions pas nous priver d'en parler.
Nous étions donc rendues
à nous demander quelle différence il y a entre l'érotisme et la pornographie. Il
est 17 h 30. Nous sommes en avance, mais la file est déjà longue dans
le couloir du centre de loisirs. Nous reprenons notre conversation là où nous
l'avons laissée dans le pick-up de la sorcière.
Moi : J'ai
trouvé dans mes affaires un vieux numéro de la revue Le Point qui présente les textes fondamentaux de l'érotisme.
La sorcière :
Ah, oui? Tu me la prêteras.
Moi : Je
l'ai feuilletée et la plupart des textes se trouvent déjà dans un autre livre
que je t'ai prêté, Les plus beaux textes
érotiques de la littérature française. Il y a entre autres ce texte
d'Alfred de Musset dont le personnage principal s'appelle Fanny.
La sorcière :
Je ne le connais pas étant donné que je n'ai pas encore eu le temps de lire ce
livre-là. J'ai toute une tablette de bibliothèque de livres à toi. Il doit être
quelque part au milieu.
Moi : En
tout cas, l'introduction de la revue est vraiment intéressante. C'est une femme
qui l'a écrite et elle explique la différence entre pornographie et érotisme.
La sorcière :
Comment est-ce qu'elle voit ça?
(Je vous rappelle
ici que nous sommes en ligne et entourées d'inconnus, des adultes et des
enfants. Ce qui ne nous gêne nullement.)
Moi : Elle
dit que dans l'érotisme, il faut qu'on sente les doutes, les peurs, les désirs
et les frustrations des personnages, ce qui, d'après elle, est toujours absent de
la pornographie.
La sorcière :
Ça voudrait dire que dans la porno, il y a juste le biologique, la mécanique.
Moi :
D'après elle, oui. Elle cite en exemple le marquis de Sade.
La sorcière :
Justement, je me demandais si tu avais un livre de Sade.
Moi : Non.
Mais il y a un extrait de La nouvelle
Justine dans la revue. Tu savais qu'après avoir baisé ses victimes, il les
bouffe? Ouache!
La sorcière :
Faudra que je me fasse des photocopies.
Moi : C'est
déjà fait.
La sorcière :
T'es donc bien efficace! (Ben, non! Elle ne m'a pas fait ce compliment, mais ça
me fait plaisir de l'écrire ici.)
La sorcière :
Je viens de finir un roman érotique et je me questionne. Il n'y avait pas
d'histoire en arrière, c'était juste du cul pour du cul.
Moi : Je
pense que c'est typique dans la littérature érotique.
La sorcière :
Et puis il y a un détail qui me chicote. Je sais que t'as fait des recherches
historiques pour tes romans pis me semble que tu disais que les femmes ne
portaient pas de petites culottes au 17e
siècle? Pourtant il y avait toute une scène où le gars se servait de ça…
Moi : Les
femmes ne portaient même pas de sous-vêtement au 17e siècle. Elles
allaient nues fesses sous leurs grandes robes à paniers. Dans le film Rob Roy, il y a une scène où Jessica
Lange va faire pipi dans la rivière. On la voit s'accroupir et uriner direct, sans
rien enlever. Elle fait juste retrousser sa robe.
La sorcière :
Tu me le prêteras si tu l'as.
Moi : Je
l'ai.
La sorcière :
T'as toujours tout. (Ça non plus elle ne l'a pas dit, mais c'est vrai.)
Moi : J'ai
vu l'an passé une super exposition sur l'histoire des sous-vêtements. C'était au
musée McCord.
Un inconnu debout
devant nous : Elle est en ligne, cette exposition. Vous n'avez qu'à taper
le musée McCord dans Google. Toutes leurs expositions sont sur Internet.
La sorcière
(surprise de voir quelqu'un intervenir dans notre conversation) : Comment
vous savez ça?
Lui : Je
suis un expert en muséologie.
Moi (consciente
qu'on a l'air cinglé de tenir cette conversation dans une file d'attente) :
Vous savez, on est des écrivaines…
Lui : Ah,
oui? Je pensais que vous étiez des profs.
Inutile de dire
qu'on a eu de la misère, la sorcière et moi, à retrouver le fil de nos pensées.
Mais, croyez-le ou non, quand ce fut notre tour au kiosque d'inscription, on
était déjà arrivées à notre conclusion : ce n'est pas de la littérature
érotique qu'on écrit, même si on utilise l'érotisme dans la vie de nos
personnages. Comme dans la vraie vie.
Note de la
sorcière : C’est pour ça que j’aime ça avoir une doyenne comme meilleure
amie; elle a toujours tout ce que j’ai besoin à portée de la main… ;)
Si vous êtes dans les recherches sur l'Érotisme, il ne faut pas passer à côté des chansons poético-coquines de Pierre Perret.
RépondreSupprimerQue ça soit Blanche:
"En entrant dans le lit je l'ai sentie nerveuse
Sur le drap de couleur sa chair devint rosée
Sa peau me criait vient et sa bouche fiévreuse
Murmurait pas encore refusant mes baisers"
http://www.youtube.com/watch?v=zApTjP8O6GA
ou Celui d'Alice
"Y a sous sa pelisse
Le climat de Nice
Entre deux éclisses
Tendrement musclées"
http://www.youtube.com/watch?v=z9h4dUlgPxk
Bonne écoute, et bonne écriture!!!
Wow! Très pertinentes, ces suggestions. ;-) Merci!
RépondreSupprimerJe me marre!!! lololol! :)
RépondreSupprimerEt en effet, elle a l'air pratique cette doyenne ;p
Je viens de découvrir ce blog, alors je viens juste de lire ce billet.
RépondreSupprimerje voulais juste dire que ça me rappellait un travail que j'avais à l'université sur l"érotisme dans le cinéma québécois (2 femmes en or, Valérie, etc) et j'avais commencé par faire la différence entre la pornographie et l'érotisme. Mais je n'avais jamais pensé qu'Il fallait se poser la question en littérature :)