Ce billet est un complément à celui de la doyenne, publié
la semaine dernière, où il était question de la situation économique des
écrivains à temps plein. Ce qui veut dire que je parlerai uniquement de ce que
ça peut changer, aux niveaux des revenus, d’avoir écrit une série au lieu de
plusieurs livres «uniques». C’est vrai que j’aurais pu ajouter mon grain de sel
à même le billet précédent, mais je me suis dit qu’il était déjà assez long
comme ça! ;)
À mon humble avis, l’écriture d’une série est une arme à
double tranchant. Autant ce choix
d’écriture peut-être bénéfique à long terme pour l'auteur, autant il
peut être catastrophique. Pourquoi? Parce que l’histoire s’échelonne sur
plusieurs tomes et, donc, sur plusieurs années. Deux
facteurs entrent ainsi en jeu, soit l’histoire en elle-même et le
temps qui s'écoule entre la publication du premier et du dernier tome.
Sachez que ces deux facteurs
s'influencent mutuellement.
Qui dit série, dit long récit où reviennent, tomes après
tomes, le même univers et les mêmes personnages. Plusieurs possibilités
s’offrent alors aux lecteurs, avec autant de conséquences différentes
sur les revenus de l’écrivain.
La première possibilité est le rêve de l’écrivain :
Dès le premier tome, le lecteur est conquis et achète, jusqu’au dernier, chacun
des tomes qui suivent. Pendant tout ce temps (3 à 5 ans le plus souvent), ce
lecteur propage la bonne nouvelle autour de lui, faisant connaître la
série à ses amis, qui, eux, font de même. Plus le temps avance, plus les ventes
sont intéressantes puisque ceux qui découvrent la série plus tard achètent
souvent non seulement le premier tome, mais aussi tous ceux sortis depuis.
C’est ce qui fait qu’un tome 2, par exemple, peut connaître de meilleures
ventes à sa deuxième et troisième année sur les tablettes. Ce lecteur est
celui qui a l’influence la plus bénéfique sur les revenus
parce que, non seulement il achète, mais en plus, il fait vendre. Dans son
cas, le bouche à oreille est le
meilleur ami de l’écrivain.
La deuxième possibilité : Le lecteur a aimé les
premiers tomes, mais, lassé de l’histoire pour diverses raisons au
troisième, au cinquième ou au dixième
tome, il n’achète pas la suite. L’abandon d’une série au
milieu de sa lecture se produit plus souvent qu’on le pense. Dans
cette situation, l’écrivain aura bénéficié de l’effet «série» pendant une durée
limitée. Ici, le bouche à oreille oscille entre nuisible et bénéfique puisque
si certains se laissent convaincre de ne pas se lancer dans cette lecture qui a
finalement déçu, d’autres voudront se faire leur propre idée.
La troisième possibilité: Le lecteur aime le premier tome,
mais pas au point de se procurer les autres; il préfère les emprunter, quitte à
devoir attendre un certain temps avant de pouvoir les lire. De toute façon, il
faut bien, ensuite, attendre le tome suivant alors quelques mois de plus ou de
moins… Ce lecteur-là, souvent, achète le dernier tome dès sa sortie, justement
parce qu’il a hâte de connaître la fin et que, cette fois-ci, il ne veut pas
attendre. Plusieurs écrivains de série vous diront que le premier et le dernier
tome sont les deux meilleurs vendeurs de la série.
Et enfin, la quatrième possibilité, et la moins
intéressante pour l’écrivain : le lecteur qui, dès le premier tome, n’aime
pas. C’est ce lecteur qui a l’influence la plus néfaste sur les revenus puisque
c’est un lecteur qui n’achètera rien de cet écrivain pendant plusieurs
années. C’est dans cette catégorie, je pense, que se situe la plus grande
différence entre l’écrivain de livres uniques et celui de série puisque le
premier a, à chaque nouvelle parution, une chance supplémentaire d’être
apprécié du lecteur qui n’a pas été conquis par ses
oeuvres précédentes. Il propose une histoire différente, de nouveaux
personnages, un univers renouvelé, alors que l’écrivain de série revient avec
la même base. Inutile de vous dire que, dans le cas du lecteur qui
déteste, le bouche à oreille n’est pas souhaitable… ;)
Si ce qui précède concerne les lecteurs, il y a aussi deux
autres facteurs qui influencent les revenus différemment pour un écrivain
de série par rapport à un écrivain de livre unique. Il s'agit de la
disponibilité en librairie et de la vente de droits.
La disponibilité : Si les premiers tomes ne se vendent
pas suffisamment au goût des libraires, ces derniers prendront vite l’habitude,
au sortir d’un nouveau tome, de ne commander que le nouveau justement. Or,
n’importe quel écrivain de série vous dira qu’il est très important d’avoir
toujours, en compagnie du p’tit dernier, au moins le premier de la série. Je ne
connais pas grand monde qui commence une série qu’il ne connaît pas par le tome
3 ou le 6. Pour découvrir, ça prend le premier absolument. Un livre unique,
quant à lui, n’a pas besoin des autres livres d’un même auteur pour qu’on
s’intéresse à lui. Toutefois, ici aussi l’inconvénient peut-être un
avantage. Quand une série se vend bien, elle sera
disponible dans son intégralité à chaque nouvelle parution, permettant des
ventes doubles, triples, voire quadruple.
La vente de droit : Les avantages monétaires sont
aussi appréciables lorsque l’éditeur arrive à vendre les droits à l’étranger ou
à Québec Loisirs, par exemple. Dans les deux cas, c’est la série en entier qui
sera achetée, pas juste le premier tome. Il s'agit d'une promesse de
revenus à long terme, ici aussi, tant que la série
entière est disponible, évidemment.
J'en prends bonne note! C'est une analyse intéressante avec plusieurs réponses à des questions qu'on se pose en tant qu'auteur!
RépondreSupprimerJ'adore ce billet... Il me fait vraiment réfléchir car je suis dans ce dilemme en ce moment, écrire une série ou un livre unique... Difficile de choisir, les deux présentent des avantages mais aussi des inconvénients... J'ai l'impression que plus la série est longue, plus les ventes diminuent au fil des tomes... est-ce que je me trompe?
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