jeudi 19 décembre 2013

La face cachée du «tout petit» délai de neuf mois

Le blogue fera relâche pendant le congé des fêtes. Avant de nous taire pour célébrer en famille, nous vous offrons un dernier billet cette année. Un très court billet. Enfin!

Dans la réglementation envisagée par le gouvernement du PQ, on prévoit qu'après un délai de neuf mois, les détaillants pourront faire un rabais supérieur à 10%. 

Pour comprendre l'impact de cette mesure, laissez-moi vous décrire le marché du livre best-sellers.

Tout d'abord, il faut que vous sachiez que la très grande majorité des livres qui se retrouvent chez Costco y arrivent en même temps qu'en librairie. Les livres y sont en vente pour une durée allant de trois semaines et trois mois. Rarement plus.  Après ça, les exemplaires invendus sont retournés au distributeur. Rares sont les auteurs assez chanceux pour avoir vu leur livre neuf mois chez Costco. Il y a peut-être Anne Robillard, parce qu'elle en avait toute une série. À part de ça? Il ne me vient aucun nom.

Quant à Walmart et aux pharmacies, les romans y sont trois mois, le temps qu'arrivent d'autres nouveautés qui prendront leurs places sur les tablettes. Là aussi, les livres invendus sont retournés au distributeur.

Qui tient donc en stock les best-sellers? Les libraires. Et nous leur en sommes reconnaissants et nous les aimons beaucoup. Sans eux, nos livres seraient introuvables trois mois après leur sortie.

Maintenant vous connaissez un peu mieux le marché, revenons à la loi. 

Pouvez-vous  me dire qui pourra appliquer une réduction supérieure à 10% sur les livres? 

Réponse: Les libraires, parce que ce sont les seuls à avoir encore en magasin des livres qui datent de neuf mois. Mais les libraires comptent justement sur le prix réglementé pour se refaire une santé financière. Auront-ils les reins assez solides pour gruger dans leur marge de profits comme le font en ce moment Costco et compagnie afin d'offrir des livres au rabais? Permettez-moi d'en douter.

J'ai bien peur qu'advenant la loi, il n'y aura plus de rabais supérieur à 10% sur les livres. À aucun moment. Ni chez Costco, ni chez Walmalt, ni en librairie. Le délai de neuf mois à lui seul va forcer le consommateur à toujours payer le plein prix. Moins 10% dans le meilleur des cas. 

Sur ce, nous vous souhaitons un très joyeux Noël et espérons vous retrouver en 2014.

La Doyenne, la Sorcière et le caniche

p.s. Si vous avez envie de voir à quel point l'information que vous recevez au sujet du prix réglementé est biaisée, allez sur Wikipédia et comparez l'article en anglais Fixed book price agreement (6 pages) avec l'article en français Prix unique du livre (4 pages).  Vous serez à même de constater que si l'article en anglais présente les deux côtés de la médaille, c.-à-d. les effets positifs d'une réglementation du prix du livre et ses effets négatifs, la version française, elle, ne présente que les aspects positifs. 

31 commentaires:

  1. C'est intéressant ce que tu dis parce que je crois également que si le ministre avait vraiment voulu faire une loi qui avait une mini-chance de passer, il aurait dû plier là-dessus. Faire un compromis, ce sont des choses très précieuses quand on est au gouvernement, mais ça semble être quelque chose de peu prisé...

    Par exemple, pourquoi ne pas diminuer ça à trois mois? Bref, en jaser pour faire quelque chose qui semble moins radical aux gens plus hésitants sur la question?

    Pour moi, ç'aurait été tout à fait acceptable que le prix soit protégé moins longtemps que neuf mois.

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    1. Je suis d'accord avec ce que tu dis, mais j'aurais réduit ça à deux mois pour donner une chance au livre de revivre avant d'être sorti des grandes surfaces. Au bout de trois mois, même les libraires retournent leurs livres invendus au distributeur. Parce que c'est justement ça, la durée de vie d'un livre au Québec. Trois mois. C'est triste à mort.

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    2. Je suis aussi ouverte à deux mois. Je crois qu'on atteint l'essentiel à ce moment-là: donner les premiers en exclusivité à ceux dont la job, c'est de vendre des livres, avant de permettre à d'autres de profiter des succès pour vendre plus d'affaires dans leurs magasins!

      Sur ce, joyeuses Fêtes à vous deux!

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  2. Petite question chère Doyenne: je me doute fortement de la réponse, mais combien vends-tu de tes livres passé la période des neuf premiers mois de vente? Parce qu'une bonne partie du problème repose sur cette toute petite question...

    (Bon, pour une fois, je fais court! :) )

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    1. Je ne peux pas te le dire avec précision étant donné que je reçois mon relevé un an et un mois après la date de sortie de mon livre. Probablement beaucoup moins que dans les trois premiers mois, si c'est là que tu veux en venir.

      (Sommes-nous malades pour faire aussi court?)

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    2. (En tout cas, moi oui, j'ai le rhube!!! :P )

      C'est exactement le problème, la majorité des ventes se fait dans les premiers mois de parution du livre. Donc, en faisant des rabais importants dans les premiers mois de vente, les grandes surfaces et Amazon sapent les ventes les plus importantes et les plus faciles aux librairies et les privent de revenus importants. Si je prends exemple sur tes livres, on tenaient encore tous les Lily Klondike même trois ans après leur parution. Sauf qu'on ne les vendaient pas toutes les semaines! Une, deux, peut-être trois fois par année? Par contre, ces livres, de fond comme on dit dans le milieu, il faut les payer quand même et ils prennent de la place physiquement, donc, il faut de l'espace pour les avoir en stock et ça coûte des sous et... bon, je crois que tu as compris le principe! C'est pourquoi la loi du prix réglementé cible les neuf premiers mois de vente. Ce sont les mois cruciaux pour les ventes de livres. Ensuite, c'est sûr que l'on en vend, mais pas assez pour supporter le poids de l'inventaire et des frais de fonctionnement d'une librairie.

      Autre petit détail: tu as dit à plusieurs reprises que les livres allaient augmenter de 20 à 30% avec une loi du prix réglementé. C'est inexact puisqu'il y aura toujours un rabais permis de 10%, donc l'augmentation sera dans les faits plus proche de 10 à 20%. De plus, il y a un principe en économie que l'on appelle l'ajustement structurel: personne ne restera les bras croisés en regardant la situation! Les éditeurs pourront ajuster leurs prix légèrement à la baisse (genre, faire passer les prix de détail suggéré de 29,95$ à 27,95$ ou de 32,95$ à 29,95$), ce qui absorbera une partie de la hausse. Donc, oui, une hausse à prévoir, mais pas aussi importante. Je ne pense pas que ça va faire chuter les ventes de façon vertigineuse. Du moins, pas les ventes de best-sellers. Par contre, oui, c'est sûr que pour les auteurs de best-sellers, il va y avoir une différence sur le plan financier, ça c'est sûr.

      P.S. J'ai pas encore répondu à ton message d'hier, je mouchais trop hier soir pour me concentrer sur mon clavier :(

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    3. Merci, chère Prospéryne, de dire enfin ce que j'attends depuis des mois! Quelqu'un qui défend une réglementation du prix du livre, mais qui admet en même temps que les auteurs de best-sellers vont voir leur salaire diminuer.

      Depuis le début, ce débat est insultant pour nous parce que c'est nous qui allons payer la facture et que personne n'en tient compte. On fait comme si cette conséquence était négligeable. Mais c'est de mon salaire qu'il s'agit!

      Mon salaire, donc, qui sera affecté de deux manières. Soit parce qu'il faudra effectivement réduire le prix de nos livres (comme nous sommes payés au %, ben ça voudra dire moins d'argent par livre), soit, et c'est malheureusement ce qui m'inquiète le plus (et mon éditeur aussi), parce que la hausse de prix va nous faire perdre des ventes. Mon livre chez Costco ne se vendra plus 20.97$, mais 26.97$. Ça fait une augmentation de 29%. Chez Walmart, mon livre passera de 22.46$. à 26.97$. Une hausse de 20%. Pour des auteurs comme moi et nos éditeurs, il est inconcevable que de telles hausses n'aient pas d'impact sur les ventes.

      Sauf que c'est ici que se trouve le point de discorde. La raison pour laquelle nous n'arriverons jamais à la même conclusion. Ma gang ;-) anticipe une baisse des ventes alors que la tienne ;-) affirme qu'il n'y aura pas de baisse des ventes.

      On touche ici à des convictions, à des visions du monde trop différentes pour qu'on puisse arriver à un accord. On peut juste espérer que le gain que feront les libraires justifiera les pertes subies par les écrivains. Et moi, je vais continuer de rêver qu'on admettra en public que nos écrivains grand public seront les grands perdants dans tout ça.

      Cela dit, je comprends la position des libraires, crois-moi. Si je m'oppose à cette réglementation, c'est parce qu'elle causera beaucoup de dégâts. Je voudrais seulement qu'on envisage d'autres solutions. Qu'on en cherche, surtout! Mais à la commission sur le livre, on avait des gens POUR la réglementation, et des gens CONTRE. Personne pour proposer autre chose.

      En tant que société, on manque cruellement d'imagination.

      p.s. Je pense qu'on est en train de se rétablir parce qu'il me semble qu'on a recommencé à faire long.

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  3. En lisant ton message chère Doyenne, on voit aussi un petit aveu: dans le fond, le prix réglementé n'est pas si mauvais que ça, mais tu t'y opposes avec véhémence pour des raisons personnelles et... purement financières? C'est ce qui me surprend dans ton discours. Je comprends que personne n'aime perdre de son salaire et que vivre de sa plume n'est pas évident au Québec. Or, tu défends avec véhémence 30% de tes ventes alors que le réseau qui en fournit 70%, à long terme, qui te permets de faire des ventes sur tes titres en dehors de la première période de vente, en plus d'en fournir une promotion soutenue depuis les débuts de ta carrière... Ben, tu trouves ça bien plate, tu voudrais bien qu'on trouve une solution... Mais tant que ça ne te touche pas toi. Pas dans ma cours! Ce que je trouves vraiment dommage de la part d'une des auteurs les plus privilégiée par le système. Oui, tu as travaillé pour et je ne fais ici aucunement le procès de ton talent ou du succès de tes livres, mais reste que tu as eu de la chance et qu'on dirait que tu tournes le dos au milieu qui t'a permis de te développer, au profit d'un milieu qui te rejettera dès que tes ventes baisseront le moindrement. C'est ça que je ne comprends pas. Au fait, ce n'est pas ma gang contre ta gang, on fait TOUS parti de la même gang: celle du milieu du livre et le problème, c'est que celui-ci est si interdépendant que personne ne peut survivre sans un juste équilibre. Et c'est ce juste équilibre que le prix réglementé vient rétablir.

    Preuve que l'on en apprend tous les jours, je ne savais pas combien de temps duraient les livres québécois au Costco. Venant du milieu des librairies, je connais beaucoup moins la Grande Diffusion (Grande dif dans le jargon du métier). Et ne mettant que rarement les pieds au Wal-Mart et Costco, je n'avais jamais remarqué ce détail. Trois semaines? C'est souvent le temps que dure le boum des plus grosses ventes, parce que l'effet «parution du livre» y est le plus fort. C'est pour ça que les ventes chez Costco et cie représentent tant de pertes pour les librairies, ce sont les ventes les plus faciles, celles qui représentent le moins d'efforts et le moins d'investissement, tant en temps qu'en argent. (Et au fait, si tu dis que Costco laisse partir tes livres à 20.97$, c'est qu'il les laisse carrément partir au prix coûtant. AU COÛTANT!!! Aucune librairie ne peut vivre avec aucune marge de profit!) Les grandes surfaces se concentrent sur un petit nombre de titres (moins de 500 par année) et à très faible prix. Ils vont soutirer le meilleur des ventes et se servent essentiellement du livre comme produit d'appel. Il s'agit d'un principe d'économie qui dit que l'on vend un produit populaire à petit prix, voire à perte pour attirer le client dans un magasin. Principe qui me pue au nez quand on parle de produits culturels, mais bon! L'un des buts du prix réglementé est de couper l'herbe sous le pied à cette pratique parce que malgré tout, les bests-sellers, ça représente aussi la majorité des ventes des librairies.

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    1. Le principe de base d'une librairie est d'avoir un fond varié et disponible en tout temps (littérature générale, livres de poche, ouvrages de réflexion, albums jeunesse). Sauf que ce stock représente des ventes lentes. On ne vend pas tous les jours les Trois Mousquetaires ou les romans jeunesses de chez Foulire. Un client qui entre dans une librairie s’attend à avoir un certain choix et c’est tout à fait normal. C’est le but d’une librairie non? Seulement, ça demande une importante immobilisation des fonds de trésoreries. Un livre sur une tablette, ça ne rapporte pas. Bien souvent en plus, il est payé, donc, c’est de l’argent qui dort. Pour compenser cette immobilisation, il faut des ventes plus rapides, celles des best-sellers, pour avoir un équilibre. Parlons de stock A, B et C. Les A représentent les ventes rapides, les B, les ventes moyennes et les C, les ventes lentes. S’il n’y a pas d’équilibre entre les trois types de ventes, et bien, c’est la clé sous la porte! Et la fin de 70% de tes ventes, puis-je me permettre de te le rappeler?
      Une autre chose: on dirait que tu sous-estimes la capacité de réaction de l'ensemble du milieu du livre. Personne ne va rester les bras croisés à pleurer en se disant qu'ils vont perdre des ventes! Le système les a avantagé pendant des années pendant que d'innombrables librairies fermaient leurs portes, coupant ainsi les vivres à un paquet d'éditeurs, d'auteurs et d'illustrateurs n'ayant pas la chance de figurer parmi les meilleurs vendeurs. Le modèle d'affaire de nombreuses maisons d'édition les a porté vers la Grande Dif au détriment des librairies. Ce sont des maisons d'éditions très réactives aux différences de revenus. Je suis très confiante en elles, elles vont réagir. Baisse des ventes? Sans doute, mais à long terme? Si c'est le cas, ça ne viendra que continuer la perte de millions de dollars dans le milieu du livre amorcée depuis quelques années. Perte dû à des rabais massif (faisant diminuer la masse des ventes) ou perte en nombres absolus de livres vendus? Là-dessus, je n'ai pas de réponses.
      Quand à chercher des solutions... J'ai le goût de rire! Dire qu'on ne cherche pas de solutions, c'est nier l'extraordinaire dynamisme d'organismes comme l'ALQ ou les LIQ qui travaillent depuis des années pour trouver des solutions. Qui ont essayé d'innombrables choses, sur le terrain, sans que ça coûte un sous noir aux contribuables québécois, seulement, là, on est rendu à un point où si la situation perdure, on perdra un magnifique réseau qui a mis des années à être construit et qui nous assure un foisonnement littéraire, une très saine compétition entre les lieux de vente et une diffusion efficace sur tout le territoire. Prête à sacrifier ça? Pas moi. Le réseau des librairies n'est pas parfait, mais il remplit le rôle de base qu'on lui confit. Il faut penser d'abord à le consolider avant de penser à l'améliorer non?

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    2. Tout d'abord, Prospéryne, je ne laisse pas tomber les librairies. Où diable es-tu allée chercher ça? Je me relis et je relis mes nombreux billets et mes nombreux commentaires et jamais je n'ai dit qu'il fallait laisser tomber les librairies. Je comprends leur rôle, je les trouve essentielles, et j'apprécie leur travail.
      Et c'est pas parce que je m'oppose à la réglementation du prix du livre que je m'oppose aux librairies. Je l'ai dit cent fois! Une réglementation du prix du livre aura des effets pervers dont le premier est une diminution des ventes (même si plusieurs continuent de le nier). Le commerce du livre est un commerce comme les autres et il est soumis aux lois naturelles du commerce, qu'on le veuille ou non. Si le prix d'un livre n'avait pas d'importance, Costco et compagnie ne les vendraient pas au rabais. Et les éditeurs pourraient monter les prix sans que cela ait de conséquence sur les ventes. Et les libraires ne perdraient pas de vente au profit de Costco. (Oui, oui. Je sais que ça existe et je sais que ça nuit aux libraires.) Mais voilà! Le prix d'un bien influence les ventes. Et une augmentation subite et marquée du prix d'un bien affecte les ventes de ce bien à la baisse.
      Une diminution des ventes de livre signifie une diminution des revenus pour les éditeurs, les auteurs et les distributeurs. Et les auteurs, dans cette chaîne, sont le maillon le plus fragile parce que leurs revenus dépendent directement des ventes de livres et sont limités à 10% du prix de vente. Ils n'ont pas de salaire fixe, pas de paye à déposer chaque semaine. C'est un choix de vie qu'on fait et on l'assume. Mais ça ne veut pas dire qu'on va accepter de se faire tasser sans rien dire.
      Je trouve fascinant de voir des gens du monde du livre se scandaliser dès qu'un écrivain parle d'argent. Comme si on devait vivre d'amour et d'eau fraîche et de gratitude. Si je te dis, demain matin, que je coupe 10% de ton salaire, tu ne me feras jamais croire que tu diras merci, que tu accepteras sans essayer au moins de trouver une autre solution. Pis si, justement, tu me réponds que tu accepterais ce «sacrifice», ben vas-y! Go! Propose donc que tout le personnel à salaire fixe du milieu du livre renonce à 10% de sa paie pour que cet argent soit envoyé aux libraires afin de leur permettre de compétitionner les grandes surfaces.

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    3. Deuxièmement, le coûtant d'un livre à 29.97$, c'est 17.97$. Pas 20.97$. Si c'était le cas, Costco serait en train de faire du dumping. Ce qu'il ne fait pas. Il ne vend pas au coûtant ni à perte. Il accepte simplement de faire moins de profit sur chaque livre vendu, mais compense sur la quantité de livres qui sera vendue en très peu de temps sur une très petite surface (la largeur de la pile de livres). Je comprends que les libraires ne trouvent pas cette pratique fair-play parce qu'ils n'ont pas les moyens de les imiter. Et je SAIS qu'ils n'ont pas les moyens de l'imiter. Ça ne fait pas de Costco et compagnie les rapaces que tu décris. Ça fait d'eux des commerçants qui fonctionnent sur un autre modèle. C'est malheureusement ce modèle, ajouté au réseau de librairies, qui a permis à tout un lot d'écrivains d'atteindre un salaire décent parce qu'il rejoint une plus vaste clientèle. Une clientèle qui ne va justement pas en librairie.

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    4. Je m’immisce dans la conversation le temps de dire que la Doyenne n’est pas la seule, contrairement à ce que tu sembles croire Prospéryne, à beaucoup s’inquiéter de l’impact qu’aurait le prix réglementé sur son salaire. Cette inquiétude est le propre de la grande majorité des écrivains grand public en ce moment. La différence, c’est que cette majorité n’ose pas en parler publiquement, de peur de se faire taxer « d’égoïste » comme tu viens de le sous-entendre, de se faire dire qu’elle tourne le dos aux libraires qui vendent ses livres depuis des années (et toutes autres remarques du même genre qu’on entend régulièrement et qui n’ont rien de vrai). La Doyenne, elle, a décidé de ne pas se taire. Et c’est tout à son honneur dans un contexte où, dès qu’on ouvre la bouche contre le prix réglementé, dans le milieu du livre, on se fait « ramasser d’aplomb » même si on s’informe, qu’on se documente, qu’on cherche d’autres solutions, qu’on pose des questions ou qu’on explique son point de vue. Pourtant, beaucoup de gens en faveur du prix réglementé sont juste « pour » sans être capable de développer davantage et bafouillent dès qu’on leur pose des questions pour qu’ils précisent leur pensée!!!!! Ils sont tout aussi incapables d’expliquer en quoi exactement consiste la loi proposée et les impacts qu’elle aura sur le milieu. Tu es l’une des rares, Prospéryne, à être capable de défendre ton point de vue en argumentant réellement, sources à l’appui. Et je parle d’expérience.
      Je tiens à souligner également que bon nombre d’éditeurs, contrairement à la croyance populaire, ne sont pas à l’aise avec l’idée d’un prix règlementé. Mais comme les écrivains et pour des raisons similaires, ils se taisent. Tsé, quand tu demandes à des éditeurs s’ils sont pour ou contre le prix réglementé et qu’ils te répondent « Officiellement, je suis pour » ou encore « Faut que je sois pour » ou « Paraît que je suis pour » ben…. ça veut tout dire. Personne dans le milieu littéraire ne souhaite la mort des librairies, Prospéryne. Personne. Mais demander aux éditeurs et aux écrivains, dans le contexte économique actuel déjà plus que difficile, de sacrifier sciemment et sans rien dire des ventes – et donc des revenus – pour aider les libraires et ce, sans être convaincus que ça donnera des résultats probants, c’est peut-être trop demander.

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    5. Si j'étais encore éditeur, je serais pour le prix réglementé, même si j'avais des écrivains "grand public", parce que je ne crois pas que cette réglementation aura un impact majeur sur les ventes de livres. Mais ça, on ne le saura que si la loi est adoptée et qu'on "l'essaie" pour trois ans comme il est proposé.

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    6. Chère Sorcière, je suis parfaitement au courant des craintes de beaucoup d’éditeurs et d’auteurs concernant le prix réglementé. Tu ne m’apprends rien. J’en parle moins tout simplement parce que je passe mon temps à défendre d’autres points, pas parce que je n’en suis pas consciente. Le prix réglementé va obliger beaucoup d’éditeurs habitués à faire une partie de leurs ventes en grande surface à revoir leur modèle d’affaire. Ça risque de faire mal en effet. La Doyenne proposait des subventions aux librairies, je les verrai bien mieux investies en subventions aux éditeurs pour leur permettre de traverser le cap. Parce que cette situation va être temporaire, les gens vont s’adapter. Quelques années et on retrouvera un équilibre. Les subventions en librairie si on maintient le système actuel, ce sera un trou sans fond, raison pour laquelle j’y suis opposée.
      Quant aux gens qui défendent le prix unique sans pouvoir argumenter dessus… Ben, je répondrais que d’une part, on a pas parlé aux mêmes personnes. D’autre part, j’ai vu moi aussi des gens contre le prix réglementé qui n’avait aucun autre argument que le fait que le prix des livres allait augmenter pour être contre. :( Votre démarche, à toi et à la Sorcière, est admirable sur ce point : vous avez pris la peine de prendre des informations et de défendre vos idées sur des points précis. Comme l’ont fait les pro-prix réglementés à la Commission du prix du livre, études économiques précises à l’appui de leurs demandes. Les opinions divergent sur le prix réglementé, mais au moins, vous êtes toutes les deux capables d’en parler disons calmement sinon sereinement : on devient vite émotive sur un sujet sur dans lequel on est autant investi. J’apprécie. C’est facile de répondre vite et de multiplier les attaques personnelles, mais ça ne fait rien avancer. Et si je suis capable d’avancer des arguments, c’est parce que je me renseigne sur le sujet depuis des années. Le milieu de la vente du livre, j’y baigne depuis presque 6 ans de manière quotidienne. C’est un peu normal que je sois un courant d’un paquet de détails et que je sois capable d’en tirer des conclusions. Je dois beaucoup à d’innombrables conversations que j’ai eues avec des gens de provenant de tous les métiers du livre et aussi, à la lecture des livres d’André Schiffrin, que je ne saurai trop recommander. Je ne serais pas aussi à l’aise de parler du milieu de l’édition, quoique j’en connais un bout (et que j’en aie appris beaucoup en fréquentant ce blogue!)

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    7. Quant aux effets du prix du livre, garantir des effets, positifs ou négatifs, ça reviendrait à demander à un auteur de garantir des ventes avant publication. On a des études, on a des chiffres, on peut faire des comparaisons avec d’autres pays, mais reste que l’économie n’est pas une science que l’on peut reproduire en laboratoire. Garantir des résultats? On sait que ça ne nuira pas aux librairies, ça c’est certain. Ça aura des impacts ailleurs, cela aussi est sûr. Le seul point garanti, c’est que le statu quo mènera à la mort du réseau actuel de vente et de distribution du livre et ceci, à brève échéance. Je ne parle pas ici d’années, mais de mois pour trop d’endroits. Pas pour les best-sellers, ok, mais ce n’est qu’une partie des ventes, et pas la plus importante. Et le milieu du livre est si intrinsèquement lié par tout un tas de ficelles pas toujours visibles par les néophytes que si les librairies tombent, l’ensemble du système en pâtira, en commençant par les auteurs. S’il y a une seule et unique chose sur laquelle on sera parfaitement et totalement d’accord, c’est que le prix réglementé aura eu un immense mérite : celui de remettre le milieu du livre sous les projecteurs. Ça fait des années que plein de monde sonne l’alarme sur le sort des librairies dans l’indifférence générale. Que vingt d’entre elles aient pu fermer en deux ans sans que personne ne bouge montre bien que ce n’est pas une priorité pour le grand public, ni pour les gouvernements! Néanmoins, pour les gens du milieu, dont nous faisons toutes les trois parties prenantes, c’est très important. Parce que personne ne souhaite la mort des librairies comme tu le dis si bien. Si la loi du prix règlementé n’est pas adoptée, ce que craignent maintenant beaucoup de monde qui se sont battus pour elle (je vous signale qu’elle n’est pas encore passée!), j’espère sincèrement que tout le monde mettra l’épaule à la roue pour trouver des solutions. Les librairies se battent toutes seules dans leur coin depuis trop longtemps. Et aucune, je dis bien aucune, solution ne sera sans conséquence sur le reste du milieu du livre.

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  4. Ouais, c'est visible, je vais mieux! ;)

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  5. Chère Doyenne, première des choses, je tiens à m'excuser si je t'ai froissé en disant que tu t'opposais à la loi en raisons de considérations personnelles. J'ai pourtant essayé pendant dix minutes de retourner la phrase correctement. L'idée de base est d'affirmer qu'avant tout, tu t'y opposes pour des considérations personnelles (et tout à fait compréhensible), ce qui t'a amené à développer une argumentation contre, ce qui NE FAIT PAS (désolé pour les majuscules, j'aurais préféré les italiques :( ) de la loi sur le prix réglementé une mauvaise loi. Tu es contre parce qu'elle te touchera de prêt, donc, tu défends tes intérêts, mais cela n'a aucun lien avec la nature de la loi, ni avec ses effets positifs (ou négatifs vus de ton côté) attendus. Au fait, tout à fait exact, le prix coûtant de 29.95$ est 17.97$, par contre, 20.97$ est celui de 34.95$ et bon, j'ai tellement vu souvent ce chiffre sur des factures dans ma vie de libraire que j'ai tiqué en le voyant. Mon erreur. Quant à savoir où j'ai été chercher l'idée que tu ne soutenais pas les librairies, probablement au même endroit où tu as été chercher l'idée que je niais le fait que le prix réglementé aurait des impacts sur les ventes de best-sellers ;) (et je te mets au défi de fouiller la totalité de l'internet pour trouver un seul endroit où j'aurais dit le contraire! :P ) Non, c'est simplement qu'à un moment donné, le prix réglementé est là pour aider les librairies et comme tu t'acharnes contre cette loi, mettons que des fois... Ben, je trouve que c'est saprément contradictoire!
    Je crois vraiment que dans le débat sur le prix réglementé, le nerf de la guerre, ce sont les ventes de livres. Point sur lequel ta gang et ma gang seront, tu l'avoueras, totalement d'accord (soit dit en passant, je déteste le mot irréconciliable! Si les Sud-Africains ont réussi à ne pas tomber en guerre civile malgré quarante et quelques années d'apartheid, on devrait finir par s'entendre!). Disons, que le prix du livre réglementé passe. Les nouveautés best-sellers ne sont que dans les librairies (les grandes surfaces ne pouvant faire de rabais les boudent ou en tiennent beaucoup moins). Un minimum de 80% des ventes sont maintenus. Je dis bien un minimum, bien malin sera celui qui pourra prévoir la suite des choses. De un, les lecteurs se sont attachés aux auteurs de best-sellers, les connaissent et veulent avoir leur prochain livre. Un certain nombre ira le chercher en librairie, un autre non. Les ventes majeures passent, les retours reviennent au distributeur et bang, neuf mois plus tard, une seconde vie pour les mêmes livres, avec pub en première page des circulaires pour promouvoir les rabais se rattachant à ces livres. Il y a de cela deux avantages : de un, on aura la présence des libres à DEUX reprises et non une seule, les livres auront une seconde chance, une deuxième vie, à rabais, au bout de neuf mois, une chance de rallumer la flamme qui s’était peu à peu éteinte. (voir suite plus bas...)

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    1. De deux, les éditeurs y trouveront une partie de leur compte en raison des stocks. Une grosse partie de la note des éditeurs se fait au niveau de l’impression. Avec un prix réglementé, les retours des librairies seront passés et il n’aura pas à imprimer en double pour permettre la présence des copies en librairie ET en grande surface, d’autant plus que celles-ci exigent beaucoup de copies pour montrer qu’ils ont le livre… mais font aussi énormément de retours, dont beaucoup de livres abîmés parce que laissés en tas sur des présentoirs. Des livres qui finissent au pilon, ça finit par faire lourd sur le bilan comptable. Ah oui, troisième avantage, l’éditeur pourrait avoir une meilleure idée des éventuelles réimpressions à faire, les librairies servant de «test» pour voir la popularité d’un livre. Ça leur permettrait aussi de mousser un nouvel auteur en librairie et si ça marche d’avoir ensuite d’excellents arguments pour le faire rentrer en grande surface. Qui serait vraiment perdant au fond?
      Autre point important, tu dis que le prix fera reculer les acheteurs, mais c’est sans compter sur ce qu’on appelle l’effet de marque. Tu sais pourquoi les gens sont prêts à payer une paire de chaussures Nike plus cher, même si une autre de qualité comparable est à moindre coût? L’effet de marque. Les gens sont prêts à payer plus cher pour avoir la marque. Et ça s’applique parfaitement bien aux auteurs de best-sellers : les gens ne veulent pas lire des succédanées, ils veulent lire LEUR auteur préféré. Ils veulent du Mylène Gilbert-Dumas, du Élisabeth Tremblay, du Anne Robillard et du Michel David, pas les autres! Les autres, ce sont les libraires qui sont chargés de les faire découvrir et pas aux grandes surfaces d’en faire la promotion. Ils ne sont pas qualifié pour ça de toutes façons et ce n’est pas leur mandat.
      Si tu me demandes si je suis pour ou contre la Grande diffusion, je vais te répondre une réponse très claire : j’haïs ça au possible! Je hais aller dans une grande surface ou une pharmacie et voir des livres pitché sur des tablettes avec comme seul argument de vente le prix en solde. Voire étalé sur des tables dans des piles instables que tout le monde tripote n’importe comment, tous mêlés, les policiers avec les romances et les petits cahiers à colorier et les livres de tricots d’il y a trois ans. Je ne suis pas contre la distribution à grande échelle, bien au contraire. Ce que je déteste, c’est voir le livre réduit à uniquement ça, sa valeur commerciale alors que c’est un bien culturel. Passe encore pour les manuels de yoga et les livres de comment soigner bébé. C’est la littérature qui me choque profondément. On dirait des boîtes de savons que l’on vend et j’ai trop de respect pour le travail que chaque auteur investit dans son livre pour le réduire uniquement à son prix. Ceci dit, je suis bien consciente de la réalité économique du Québec et je sais que c’est nécessaire. Je sais aussi que ça permet le contact avec le livre à des gens qui autrement n’en aurait aucun, surtout dans les classes défavorisées. Reste que j’aime pas ça, ceci restant évidemment un point de vue personnel.

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    2. Dernier point : Costco. Je vais me permettre de parler uniquement de son cas à lui. J’écarte dans ce commentaire toutes les autres grandes surfaces, Wal-Mart et cie. Costco, c’est un club privé. Ça coûte 55$ (minimum) par année pour avoir le droit d’aller y magasiner. Mettons qu’ils ont un million de membre. Ça leur fait, ben oui, 55 millions de dollars en banque avant même que le premier client passe à la caisse. Donc, au départ, ils sont avantagés. Et attirent une clientèle qui A LES MOYENS DE PAYER 55$ PAR ANNÉE POUR AVOIR LE DROIT D’ENTRER DANS UN MAGASIN. Ne me fait pas croire que ce sont les habitants de ton quartier qui peuvent le faire en partant chère Doyenne, ceux dont tu as parlé dans un billet cet automne. Les gens qui entrent chez Costco ont un minimum de revenus. Les statistiques le prouvent d’ailleurs (désolé, je ne retrouve pas la trace d’où j’ai vu cette statistique!). Donc, le fait que les livres y soient à 30% de rabais n’est pas la raison pour laquelle ils poussent la porte. Les gens n’y entrent pas pour magasiner des livres au départ. Ils ne sont pas là pour bouquiner. Le livre y est considéré comme un produit d’appel. On y vend des best-sellers uniquement et comme tu le dis si bien, sur une courte période de temps, en mettant des piles bien hautes pour que les gens le remarque. En même temps souvent que les campagnes de pub à la télé et ailleurs. Donc les gens l’achètent et le glissent entre le méga pot de beurre d’arachide et la caisse de tomates en dés. Et puis, c’est moins cher ici se disent les gens, entretenant l’idée que le livre, à plein prix, c’est trop cher pour eux! Tant mieux pour les auteurs de best-sellers! D’autant plus que j’ai été rassurée par vous sur le fait que la majorité des auteurs touchent leur pourcentage de redevance sur le prix de détail suggéré (mon petit doigt me dit que vous ne seriez pas autant contre le prix réglementé si votre pourcentage était calculé sur le prix de vente réel! ;) ) Par contre, disons que le livre soit au même prix à la librairie. Certains, pas tous, mais certains clients se diraient, mais voyons, le livre est au même prix à la librairie, je vais aller l’acheter là-bas à la place. Les autres grommèleraient en se disant qu’il est plus cher, mais bon, c’est le dernier Mylène Gilbert-Dumas, ils ont adoré tous ses autres livres, alors… Peut-être certains n’achèteront-ils rien, mais est-ce que ce sera la majorité? De ceux qui vont aller à la librairie, certains vont y entrer et en sortir, mais d’autres vont prendre le temps de jeter un coup d’œil aux nouveautés. Qui sait d’être intéressé par un livre, qu’autrement, ils n’auraient jamais vu. Celui d’un nouvel auteur ou d’un auteur qui n’est pas en grande diffusion. Tant qu’à y être, ils vont peut-être acheter un petit album pour le plus jeune. Ou un livre de psycho-pop dont ils avaient entendu parler, mais qu’ils avaient oublié d’aller chercher à la bibliothèque. Ou tient, cet auteur vient de sortir son livre en poche, ils ne savaient même pas qu’il en avait sorti un autre! Et passe à la caisse avec un livre de plus. On s’entend, c’est le scénario idéal. Sauf que voilà : dans la situation des librairies du Québec, ça fera une grosse différence. Quelques milliers de dollars par année peut-être, mais quand les comptes sont dans le rouge ou dans le jaune, ça peut les faire tomber au vert et c’est ça qui est important. Au final, est-ce que les ventes de best-sellers vont chuter? Peut-être. Mais je n’anticipe pas une baisse de 50% ou plus. Ce ne sera pas l’apocalypse que vous semblez craindre. Vu l’attachement du public aux auteurs de best-sellers, la différence de vente existera, certes, malheureusement, mais je doute vraiment que cela soit si catastrophique.
      Bon, tout cela dit et j’ai même pas encore parlé de la loi 51… Sur lequel on pourrait beaucoup dire. Et expliquer beaucoup de ses effets. Mais bon, là, je dois répondre à la Sorcière. :)

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    3. Je pète des scores ce soir moi...

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    4. Mariane, je suis pas mal d'accord avec tout ce que tu dis. C'est le point de vue d'un auteur de livres qui se vendent à 500 exemplaires et qui n'avait jamais eu l'idée d'écrire un livre avant d'avoir presque 50 ans et encore moins l'idée de vivre de son écriture, et l'opinion d'un ex-petit éditeur qui pense quand même avoir une bonne idée de ce que ça aurait été d'avoir à vendre des livres grand public. Le seul point où j'ai des doutes sur ton argumentation, et c'est vraiment négligeable, c'est sur la partie "impression" des livres. Il y aura peut-être une ajustement à faire, mais il sera mineur, et aux quantités impliquées pour les best-sellers, le coût par livre est pas mal négligeable.

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    5. Bonjour Pierre, mon argumentation sur la partie des impressions de livre me vient de deux commentaires glanés au cours des dernières années, celle d'un éditeur québécois lors d'une rencontre sur l'avenir des librairies et d'un article sur le pilonnage dans une revue française. L'éditeur québécois se plaignaient des quantités importantes de livres retournés par les grandes surfaces abîmés, ça ce sont des livres que l'on ne vendra pas et qui passent plus par les pertes que par les profits. L'article français décortiquait le système lié aux grandes surfaces ou plus précisément en France, aux grandes chaînes de librairies, qui veulent de hautes piles pour que l'on remarque le livre. D'où la décision d'imprimer des quantités importantes de livres, dont une partie sera envoyer au pilon. Mettons que sur 4000 copies imprimées (chiffres fictifs), on en envoie 2000 aux librairies et 2000 aux grandes surfaces. Du 2000 en librairie, on en retournera peut-être 5% dû aux abîmés durant le transport. Elles en vendront environ 1400 copies (70% de 2000 copies initiales). Les grandes surfaces par contre, en vendront environ 600 copies (30% de 2000 copies). L'éditeur se retrouve avec un bon 2000 copies de plus. Que fait-il? Malheureusement, l'espace en entrepôt coûte très cher, donc, la tentation du pilon est forte. On en gardera, quoi, 500 copies pour assurer les ventes à long terme et les 1500 autres finiront au pilon. Admet que de ne pas avoir à payer les frais d'impression et de pilonnage sur 1500 copies peut représenter un gain non négligeable... Cependant, j'avoue que je suis moins calée dans le monde de l'édition que dans celui de la distribution/vente de livres et que je peux me tromper sur ce point.

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    6. Soit dit en passant, les chiffres que je donne dans mon exemple sont purement fictifs et ne sont là que pour illustrer mon exemple. Il y a énormément de variations selon les titres, les auteurs et le moment de l'année où ils sont publiés.

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    7. Je pensais que pour les best-sellers "anticipés" ça tournerait plus autour de quelques dizaines de milliers de copies. Et à ces quantités, ça ne revient vraiment pas cher du livre et c'est pas trop grave d'en imprimer quelques milliers de trop. Ça revient moins cher que de réimprimer si on n'en a pas imprimé assez. Mais j'ai jamais eu de best-sellers à imprimer alors je ne suis pas trop certain moi non plus. J'aurais aimé avoir ce problème à gérer :-). En plus, DLM ne me chargeait rien pour l'entreposage. Peut-être parce que je n'avais pas trop de livres et que j'en imprimais seulement 1000 ou 2000 copies. J'ai été surpris lorsque Liliane (de Phoenix), m'a dit que Prologue lui chargeait pas mal cher pour l'entreposage.

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    8. Quelques dizaines de milliers de copies? La Doyenne a dit elle-même qu'elle vendait autour de 4000 copies de ses livres. Et encore, ça, c'est considéré comme un gros vendeur ici. En France, certains livres sont tirés à des chiffres beaucoup plus élevés, on peut parler de 100 000 exemplaires initiaux dans beaucoup de cas. Ici, je ne sais pas de combien sont les tirages initiaux, et encore, il peut y avoir d'énormes variations, mais je doute fort que ça dépasse la dizaine de millier au départ, en moyenne pour les gros vendeurs. Quand à DLM... Ah, quel dommage que ce distributeur ait fermé! On est nombreux à le regretter. Dans le temps que j'ai été librairie, soit, en 5 ans, deux distributeurs ont fermé boutique, Raffin et DLM. Si ce n'est pas un signe qu'il y a des problèmes dans le milieu quand même des distributeurs ferment leurs portes!

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    9. Il me semble que Sandy m'avait dit qu'ils avaient imprimé plusieurs dizaines de milliers de copies du dernier Chevalier d'Émeraude... Mais je me trompe peut-être. Il me semble qu'avec 4000 copies tu ne peux pas vraiment vivre de ta plume?????

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  6. Ouf, peut-être... Là, tu vois, on tombe dans un domaine où je ne peux pas m'avancer avec beaucoup de certitudes. La seule chose dont je sois certaine, c'est que les livres d'Anne Robillard étaient des best-sellers assez hors-norme. C'est très possible qu'il aie fait un premier tirage dans les 4 zéros. Pour le reste, j'ai des hypothèses, mais pas de certitudes.

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  7. Je n'ai pas dit que les écrivains qui vivaient de leur plume vendaient 4000 exemplaires de leur livre. J'ai dit que «la grande majorité des écrivains grand public, ceux qui publient régulièrement, vont vendre environ 4000 exemplaires de leur livre.»

    La nuance est importante.

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  8. J'ai lu chaque ligne attentivement. C'est assurément très instructif et, en cela, je remercie chacune (vous aussi, Pierre !) pour vos longues répliques, sur un ton explicatif dont n’est pas absent la passion.

    Ce qui manque maintenant, c'est l'avis du consommateur. Parce qu'en bout de ligne, c'est lui qui décidera. Comme on n'a pas de boule de cristal, on ne peut que faire des prédictions à son sujet.

    J'en suis une, consommatrice, et c'est à ce titre que je vais m'exprimer.

    Je vais dévoiler mon portrait de consommatrice, je me mouille en le faisant car il n’est pas branché, on peut faire rire de soi quand on découpe des coupons ou coure les spéciaux. Je prends l'économie de toutes denrées très au sérieux. J'étudie le marché consciencieusement, je me sens comme la chercheuse de trésor, quel magasin m’offrira le meilleur prix.

    Pour une consommatrice telle que moi, et bien d’autres, c’est dénicher le meilleur prix qui est l’essentiel. Ne pas se faire jouer. Alors si les livres sont tous le même prix, ce genre de consommateur n’aura plus l’impression de se faire avoir. Ce sera la même chose que pour le litre de lait par exemple. On ne court pas le litre de lait le moins cher dans les épiceries (pas les dépanneurs) puisqu’ils tiennent les mêmes prix. Ce que je veux faire comprendre est qu’il y a une fierté de dénicher l’endroit où un item se vend le moins chers, et de le trouver, nous donne l’impression d’être futé.

    Si je tiens à un roman, mordicus et rapidement, comme ils seront tous au même prix, je l’achèterais dès sa sortie. Mais en général, j’attendrais le rabais, je prendrais mon attente en patience.

    Ceci dit, je suis au fait de la problématique de la chaîne du livre et je veux que nos librairies continuent à soutenir notre culture, alors j’achète toujours en librairie. Le fait d’être au courant casse mon comportement de consommatrice. Mais on sait que la majorité des gens ne sont pas au courant. Ces profils de chercheur d’aubaines, comme le mien, lorsqu’ils réaliseront qu’il n’y a plus d’aubaines, de temps en temps, achèteront au plein prix et la majorité du temps, feront preuve de discipline en attendant le rabais après neuf mois.

    Pour appuyer ce que j’avance, je prendrai l’exemple de Bonaventure en Gaspésie où sise la librairie indépendante Liber qui n’offre aucun rabais sur aucun titre. Je connais un peu les libraires et les clients achètent allègrement les romans populaires au plein prix. C’est l’unique prix qu’ils trouvent, ils ne peuvent comparer et se dire, je me fais avoir.

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