lundi 23 novembre 2015

Comme un attentat au Salon du livre de Montréal

Photo piquée sur la page Facebook du  Salon du livre de Montréal 2015


Si vous étiez au Salon du livre de Montréal samedi matin, un peu avant midi, vous avez vécu un événement exceptionnel.

Il était, il me semble, passé 11 h 30 quand a retenti dans le salon du bruit de pétarade semblable à celui d'une mitraillette. Trente secondes, c'est tout ce que ç'a duré, et le temps s'est arrêté.

Nous étions cinq ou six mille. On aurait pourtant entendu une mouche voler. Un silence lourd d'appréhension écrasait la grande salle du salon comme une chape de plomb. En attente, chacun cherchait sous le ronronnement de la ventilation un indice qui aurait trahi la présence d'une Kalachnikov, peut-être au premier étage...

Et tout le monde, sans exception, pensait à Paris.

Pendant une minute, une minute et demie, la perspective d'un attentat a habité tous les esprits, a fait s'emballer toutes les imaginations. Et Dieu sait qu'il y en avait, de l'imagination, dans ce salon du livre! Nous n'étions plus des auteurs, des éditeurs, des lecteurs ou des commis de kiosque. Nous étions des êtres humains pétrifiés.

Comme le silence s'est poursuivi, l'activité a repris, tout doucement. Ici et là, on entendait des soupirs de soulagement et des rires nerveux. Puis les conversations ont effacé toute trace de la menace.

On n'a jamais su ce que s'était passé. Un marteau-piqueur, une perceuse. Qu'importe! Pendant ce court moment, nous avons tous pris conscience de la précarité de la vie. Et nous avons senti dans nos tripes à quel point personne n'est à l'abri.   Ni ici, ni ailleurs, à Paris, Beyrouth, Damas, Bamako, New York ou dans n'importe quel autre ville rendue tristement célèbre depuis quinze ans.

Évidemment, une heure après l'incident, tout le monde l'avait oublié. La peur avait fait place à la frénésie des rencontres entre les lecteurs et les auteurs, entre des auteurs et d'autres auteurs, et entre des auteurs et des éditeurs.

Oui, depuis, la vie a repris son cours. Mais pour moi, rien ne pourra effacer le fait que samedi, un peu avant midi, pendant une minute, une minute et demie, cinq ou six mille Québécois ont communié avec le reste de l'humanité. 

5 commentaires:

  1. Oui, je comprends tout à fait. Communion dans la peur et l'appréhension, c'est un peu plate. C'est très fort toutefois.
    Je l'ai vécue à Bruxelles lundi dernier cette communion. Ce n'était pas dans la peur, c'était pour rendre hommage en silence, mais tout à coup, on s'est tous senti si petits...

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  2. Hein, j'étais où à ce moment-là? Je n'ai pas entendu ça... (heureusement, sinon j'aurais paniqué moi aussi!) :(

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    1. Je ne suis pas certaine de l'heure parce que je n'avais pas de montre. C'était juste un peu avant que la foule devienne dense.

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  3. Ouf, j'suis pas fâchée d'avoir manqué ça. J'en aurais eu les muscles noués pendant deux jours! J'ai justement passé le salon à me dire qu'un attentat en plein SLM, ça serait malheureusement dans la logique de l'EI. :S

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    1. À la table où j'étais, on a fait des hypothèses pendant les quinze minutes qui ont suivi. On se disait que le plus dévastateur serait sans doute pendant une partie des Canadiens au Centre Bell. Plus morbide que ça, tu meurs. Sauf que c'était impossible de ne pas y penser. :-S

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